On a fait connaissance avec Sean Duffy en mars dernier dans Une terre si froide (Stock, 2013). Le héros de la trilogie en cours d’Adrian McKinty était alors sergent dans la police judiciaire de Carrick, au temps des émeutes qui secouaient l’Irlande du Nord au début des années 1980.
Le revoici inspecteur, cette fois à l’heure où l’Argentine envahit les îles Malouines. Le 1er avril n’est pas un bon jour pour mourir, encore moins dans une usine désaffectée, se dit Duffy. Lequel, avec son équipier, l’agent McCrabban, découvre un corps - décapité, sectionné aux genoux et aux épaules - qui pourrait bien être celui d’un étranger ou d’un touriste.
A Belfast, ville édifiée sur des laisses de vase, et sans fondations rocheuses, les arbres ne vivent jamais longtemps. Rien n’a vraiment changé. Toujours les mêmes murs en béton, les mêmes barbelés, les tirs d’armes automatiques, les bombes incendiaires, les voitures piégées. Mieux vaut vérifier lorsque l’on monte en voiture qu’on n’y a pas placé une bombe à interrupteur au mercure…
A 32 ans, Sean Duffy dit avoir la maturité affective d’un adolescent. Sa relation avec Laura Cathcart, médecin légiste, tourne mal. Avant de prendre le large vers Edimbourg, Laura lui apprend que la victime est morte empoisonnée par de l’abrine, une toxine naturelle que l’on trouve dans la baie du pois rouge, et que son corps a ensuite été congelé.
L’enquête amène Duffy à se pencher sur un autre meurtre, celui d’un capitaine de l’Ulster Defense Regiment, un régiment de l’armée britannique dont les membres sont recrutés en Irlande du Nord. Il a été abattu dans sa ferme d’un coup de fusil… Ici encore, McKinty gagne sur tous les tableaux : une intrigue tenue, le portrait d’une ville en guerre et celui d’un flic attachant et blessé qui roule en BMW, écoute Nick Drake et Neil Young, se laisse toujours tenter par un verre. Et trouve que Cent ans de solitude est un bon roman mais que, « comme dirait l’autre, soixante-quinze ans de solitude auraient peut-être suffi ».
Alexandre Fillon
