Justice

Liberté d’expression contre vie privée au procès Scarlett Johansson/Delacourt

Grégoire Delacourt

Liberté d’expression contre vie privée au procès Scarlett Johansson/Delacourt

A l'audience du 14 mai, l'avocate de Grégoire Delacourt a fait valoir que l'héroïne de son roman n’était pas Scarlett Johansson, tandis que l'avocat de l'actrice a assimilé l'auteur et son éditeur à un magazine people.

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Par Manon Quinti
Créé le 14.05.2014 à 22h05

La plainte déposée en juin 2013 par l’actrice américaine Scarlett Johansson contre l’écrivain Grégoire Delacourt et son éditeur, Jean-Claude Lattès, a été examinée mercredi 14 mai au tribunal de grande instance de Paris. L’actrice reproche à l’auteur de l’avoir mise en scène dans son roman La première chose qu’on regarde (2013). Ni elle, ni l’écrivain retenu pour des raisons personnelles, n’ont fait le déplacement, mais l’éditrice de littérature de Lattès, Karina Hocine, était présente.
 
L’avocat de l’actrice, Me Vincent Tolédano, a commencé par souligner que la comédienne était "avant tout une jeune femme de 29 ans", qui "ne supporte pas qu’on lui prête des relations intimes qui n’ont jamais existé", avant de comparer l’éditeur à un magazine people. "Qu’on nous compare à Closer, c’est vraiment offensant", a rétorqué l’avocate de l’auteur et de l’éditeur, Me Anne Veil. "Grégoire Delacourt a été inspiré par la manière dont les jeunes, avec les nouvelles technologies, peuvent être obnubilés par l’image."
 
Durant les 90 minutes d’audience, les plaidoiries se sont concentrées sur la limite entre vie privée et liberté d’expression. Le débat a essentiellement porté sur deux expressions, quand l’écrivain parle de "passade parisienne sans grande conviction avec Kieran Culkin" et de "passade express avec Jonathan Rhys Meyers". "Le premier est un ami d’enfance et l’autre, son partenaire dans le film de Woody Allen, Match Point (2005)", s’est offusqué Me Tolédano, qui a affirmé que la "liberté d’expression" devait "s’incliner devant le droit à la vie privée". "Disons le franchement, c’est comme si l’auteur disait qu’elle couchait avec n’importe qui", a-t-il ajouté.

"Il était hors de question de lui causer le moindre préjudice"
 
"Une passade, c’est un engouement amoureux, un flirt. Cela n’implique absolument pas une relation sexuelle, a répondu l’avocate de l’auteur. Nous avons de l’admiration pour cette actrice sublime, il était hors de question de lui causer le moindre préjudice. Son nom a été utilisé parce que l’héroïne lui ressemble."
 
L’enjeu était là pour l’avocate de l’éditeur, qui a souligné que l’héroïne du roman n’était pas Scarlett Johansson. "C’est le sosie qui parle. Dès la page 60, dans un livre qui en compte 263, le lecteur sait qu’il ne s’agit pas vraiment de l’actrice." "Quand l’auteur fait référence à ses relations amoureuses, le lecteur ne peut pas le savoir", a plaidé pour sa part l’avocat de la comédienne.
 
Me Toledano a attaqué l’auteur et l’éditeur sur l’"exploitation commerciale faite du nom, de l’image et de la notoriété" de Scarlett Johansson. Pour lui, l’enjeu était avant tout commercial : "La réalité, c’est que c’est une affaire de gros sous. Jean-Claude Lattès appartient à Hachette Livre, une branche du groupe Lagardère qui contribue pour plus de 50 % à ses bénéfices". "J’ai entendu beaucoup de chiffres, mais peu de preuves", a réagi Me Anne Veil.
 
Au sortir de l’audience, l’éditrice de Lattès, Karina Hocine, s’est dite "extrêmement choquée par la récupération qu’a fait Me Tolédano autour du groupe Lagardère". "Je reste sur le fil de la défense absolue de la liberté de l’imaginaire des auteurs. C’est une décision symbolique. Nous faisons partie des éditeurs respectueux de la vie des autres", a-t-elle assuré.

Le jugement sera rendu le 2 juillet.

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