L’Hadopi, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, se met en place. Les uns, tels des adeptes de l’Ordre du Temple solaire, ont soutenu sa pénible création par le législateur, contre vents, marées, Conseil Constitutionnel et bon sens. Les autres ont dénoncé ce faux messie, chargé en théorie de mettre fin au téléchargement illégal. Puisque la chose est finalement là, même en morceaux, observons ses premiers pas. Marie-Françoise Marais chapeaute désormais la Haute Autorité. J’ai lu ici ou là que l’élection de cette conseillère à la Cour de cassation à la tête du « collège » avait surpris, le favori étant donné parmi les membres émanant du ministère de la Culture. C’est mal connaître les qualités de la magistrate qui a longtemps servi la cause de la propriété intellectuelle en siégeant à la Cour d’appel de Paris. Lors de colloques feutrés sur le droit d’auteur, son franc-parler a permis à nombre de spécialistes d’en apprendre beaucoup sur ce que la justice attendait des plaideurs, comme démonstrations et pièces, pour trancher sérieusement les affaires de contrefaçon. Les habitués du palais se réjouissent aussi de l’arrivée d’un autre juge, Jean-Yves Montfort, au sein de la « Commission » (chargée d’instruire les dossiers hadopisés). La 17 ème correctionnelle (aujourd’hui appelée Chambre de la presse) a été durablement marquée par sa compétence, sa courtoisie, son sens de l’humour et sa culture générale. Pour le reste, l’Hadopi va de mal en pis. Passe encore que la marque « hadopi »   ait été déposée en guise de pied de nez, il y a quelques mois, par un particulier indigné de la façon dont le débat tournait. Plus gênant, la « vraie » Hadopi a utilisé, pour son identité visuelle, une police de caractères appartenant… à France Telecom. Cette incontestable contrefaçon a d’ailleurs des allures d’acte manqué. Une autre police protégée, dénommé Bliss, s’est également retrouvée en base line du logo litigieux… Deux piratages coup sur coup, ça frôle la récidive ou la riposte graduée ! L’agence Plancréatif, responsable de ces agissements, a déclaré qu’il s’agissait d’une «  erreur de manipulation informatique  ». A croire que tout ce bricolage se déroule au marché du faux d’un pays asiatique. Bref, il a fallu négocier et conclure des accords à la hâte pour sortir de la nasse. Car on peut supposer que Mme Marais aura tiré l’oreille de l’agence si judicieusement choisie. L'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle désigne expressément au rang des créations protégeables par le droit d'auteur «  les œuvres (...) typographiques  ». Un traité international spécifique a même été ratifié par la France, par une loi du 10 décembre 1975. Il s'agit de l'Arrangement de Vienne sur la protection des caractères typographiques, élaboré en 1973 par onze États sous la houlette de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ; même s’il n'est jamais entré en vigueur en raison d'un nombre insuffisant de ratifications. Et la jurisprudence française abonde en la matière. Après Hadopi I retoquée, Hadopi II censurée partiellement, Hadopi III démarre très fort avec deux belles nominations gâchées par la guerre des polices. Chaque camp en a pour son argent. Les premiers épisodes de cette nouvelle saison sont prometteurs.  
15.10 2013

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