Il y a au moins deux Michel Houellebecq. Le premier est le romancier d’Extension du domaine de la lutte, des Particules élémentaires ou de La carte et le territoire, prix Goncourt 2010. Le second est un poète qui réapparaît régulièrement. On l’a découvert avec La poursuite du bonheur (La Différence, 1991, repris en Librio et dans Poésies, J’ai lu), suivi du Sens du combat (Flammarion, 1996, repris dans Poésies) et de Renaissance (Flammarion, 1999, repris dans Poésies). Ledit poète affirmait jadis, dans une interview à la revue Art press, qu’« un recueil de poèmes devrait pouvoir être lu d’une traite, du début à la fin ». Et expliquait aussi, cette fois dans la défunte revue Encore, que « la poésie révèle des choses cachées, inexprimables par d’autres moyens » et qu’il s’agit là d’une activité « complètement désespérée ».
Le revoici intact et en pleine forme littéraire dans Configuration du dernier rivage. Un volume introspectif composé d’une centaine de textes, réunis en cinq parties : « L’étendue grise », « Week-end prolongé en zone 6 », « Mémoire d’une bite », « Les parages du vide » et « Plateau ». Ici, il est question de vin bulgare et de particules humaines, d’un amour brisé et d’un monde désenchanté. L’homme qui s’exprime dans le poème Absences de durée limitée a besoin de sortir du trou où il étouffe, confiant souffrir et tenir grâce aux cigarettes et aux comprimés d’Halcion.
On traverse des choses vues à la plage, des réflexions sur les hommes et les jeunes filles. Des saillies définitives qui sont du pur Houellebecq : « Il faudra bien mourir et puis que tout s’efface », « Tout futur est nécrologie » ou « Les chiens ont beau être gentils, un chien reste un chien ». L’auteur de La possibilité d’une île (Fayard, 2005, repris au Livre de poche) expliquait, dans une interview suscitée : « La poésie est le moyen le plus naturel de traduire l’intuition pure d’un instant. » Il le prouve une nouvelle fois dans les pages senties de Configuration du dernier rivage.
AL. F.