Peut-on croire les sondages ? (2002), Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ? (2007), Peut-on prévoir les tsunamis ? (2006)… Depuis quinze ans, Le Pommier explique, déchiffre, illustre. "Une trentaine de maisons d’édition publient de la vulgarisation, mais nous sommes les seuls à ne faire que cela", souligne Sophie Bancquart, directrice générale déléguée. La petite maison - quatre salariés et demi et 650 titres au catalogue - est spécialisée dans les sciences, la philosophie et les sciences humaines. Elle publie aussi bien des romans, des nouvelles et des beaux livres que des albums illustrés, et ce pour tous les âges. Objectif : rendre ces ouvrages attractifs pour le grand public malgré la mauvaise réputation dont souffrent souvent les livres de science, parfois jusqu’en librairie.
Révélation
Pour les 15 ans du Pommier, Sophie Bancquart veut inciter les libraires à "mettre en avant les livres du fonds, et pas seulement les nouveautés". Du 12 mai au 30 juillet, ils pourront participer à un concours de vitrines, avec à la clé un week-end dans un château. Un arbre en carton et deux affiches leur seront fournis. Pour chaque livre acheté, un sac imprimé sera offert aux clients. Sophie Bancquart défend la place des sciences dans le paysage éditorial. Pourtant, rien ne prédestinait cette éditrice, à la fibre plutôt littéraire, à se lancer dans ce secteur. En 1987, alors qu’elle est responsable des dictionnaires thématiques et des beaux livres chez Bordas, elle fait la rencontre du philosophe Michel Serres, qui lui présente des auteurs scientifiques. Une révélation. "Je me suis dit : c’est incroyable, enfin des gens avec qui c’est agréable de travailler ! Ils n’ont pas d’ego. Ils n’ont qu’une envie : partager leurs savoirs. C’est le contraire de ce que je connaissais." Sophie Bancquart intègre Flammarion, puis monte la marque Le Pommier chez Fayard. Avec ses auteurs, dont Michel Serres, elle rachète la maison, qui devient indépendante. Puis rejoint le groupe Belin pour que Le Pommier "survive" à son départ.
Aujourd’hui, elle a choisi celle qui lui succédera, Juliette Thomas, qui travaille avec elle depuis longtemps. Michel Serres, même s’il n’a plus de fonction officielle dans la maison, garde un lien étroit avec elle. "On se téléphone une ou plusieurs fois par jour", confie l’éditrice. Le philosophe a signé le plus grand succès du Pommier, Petite Poucette (2012), 215 000 exemplaires vendus. Un succès qui a fait bondir le chiffre d’affaires, passé de 1,06 million d’euros en 2012 à 1,4 million d’euros en 2013, et qui a notamment convaincu l’éditrice de resserrer la production. Cette année, 45 nouveautés seront publiées, contre une soixantaine il y a deux ans. "Nous publions moins de livres bon marché et davantage d’ouvrages plus importants pour mieux les travailler. Car nous faisons appel à des experts : universitaires, chercheurs, consultants, qui n’ont pas forcément l’habitude d’écrire pour des novices", explique Sophie Bancquart. La collection "Les minipommes" est construite en collaboration avec des élèves de CM1. Pour les adultes aussi, l’approche est adaptée. "On publie des livres très simples comme ceux de la collection "Petites pommes du savoir", qui aura une nouvelle formule en octobre, mais on cible aussi les "amateurs éclairés" avec d’autres collections", précise l’éditrice.
Fascination
Le Pommier a un côté militant, avec des ouvrages comme Les marchands de doute (2012) de Naomi Oreskes et Erik M. Conway, sur la façon dont les lobbys influencent la politique en matière d’alcool, de tabac et de réchauffement climatique. "Le marché de la vulgarisation a un grand potentiel : les questions soulevées par les scientifiques nous concernent. Le problème, c’est que personne ne veut s’en emparer car tout le monde pense que c’est difficile", regrette la directrice du Pommier. Pour elle, l’intérêt est pourtant là. "Au Salon du livre, le public est fasciné par ces ouvrages mis côte à côte, note-t-elle. L’accueil n’est pas le même qu’en librairie, où les livres ne sont pas toujours mis en valeur. Chez Gibert Joseph, le rayon science est au cinquième étage."
Pour promouvoir les ouvrages de vulgarisation scientifique, Sophie Bancquart a initié en 2004, au sein du Syndicat national de l’édition, le groupe Sciences pour tous. Elle fait aussi partie, avec Belin, du club des Fous de sciences, qui prévoit une mise en avant du fonds dans une cinquantaine de librairies.