"La tristesse était pour moi un mystère." Caterina ne manque pourtant pas de raison de céder au chagrin. Le roman s’ouvre sur le suicide de sa mère. Celle-ci vient de tirer sa révérence à Athènes, en compagnie de l’homme de sa vie, le peintre Sebastiano. "Pourquoi as-tu choisi de mourir ? Où es-tu maintenant ? Où est ta force ?" s’interroge sa fille. Face au désarroi et à l’incompréhension, une faille s’ouvre en elle. "La douleur et la nécessité des origines" s’imposent brusquement à cette femme de 39 ans qui doit affronter les strates qui la constituent.
"L’enfance est pleine d’arrêts sur image." La sienne possède une ligne de démarcation: avant et après l’âge de 6 ans. Adoptée par un couple bienveillant, Caterina est arrivée en morceaux. Quels souvenirs se cachent sous les replis de sa peau? "Pour moi, le monde était sans paroles." Sa mère va peu à peu lui apprendre à parler et à marcher. "Elle serait tout pour moi, psychologue, institutrice, infirmière." Mais la claudication de Caterina "cachait une plus grande infirmité : j’étais perdue partout." Un drame que la jeune femme a voulu pallier grâce à la famille qu’elle a fondée. La mort inexpliquée de sa mère la replonge dans une "vérité fragmentaire". Venue à Athènes pour percer le secret, elle se heurte à Daniele, le fils de Sebastiano. Un ogre à l’âme boiteuse, qui la bouscule jusque dans ses derniers retranchements. "Qui a jamais été vivant ? Tu sais ce que ça veut dire, toi ? Moi non. Survivre oui." Et si leur rencontre dramatique était une chance? Une façon de relancer leur existence sur orbite. Parfois, le passé a besoin d’être revisité sous un autre angle. Cristina et Daniele sont unis par Thanatos, mais leur tandem inoubliable constitue peut-être l’occasion de faire la paix avec eux-mêmes. Leur philosophie? "On continue toujours, on s’arrête jamais." D’une sobriété lumineuse, l’écriture de Cristina Comencini se situe entre celles d’Audur Ava Olafsdóttir et de Milena Agus. Elle bâtit une pure merveille, qui nous éveille en profondeur. "Il faut aller jusqu’au bout, pour réussir à te sentir toujours en vie." Kerenn Elkaïm