Il se passe quelque chose. Après des années de liaison plus ou moins secrète, le sport et la littérature célèbrent enfin, à visage découvert, leurs noces. Ces dernières années, Echenoz, Garcia, Chambaz, Hatzfeld ou Fournel ont donné à la littérature sportive, ce genre qui n’en est pas vraiment un, ses lettres de noblesse. Le Monde des livres lui a consacré une édition entière, Etonnants voyageurs s’est emparé du phénomène et un festival à Lormont près de Bordeaux, Les Foulées littéraires, lui est dédié. Point d’orgue de ce qui doit être plus qu’une mode et pas loin d’un symptôme, notons la création, voilà six mois, par l’équipe qui anime ce livre magazine Feuilleton, de sa petite sœur, tout entière consacrée au sport et aux échappées vers l’imaginaire qu’il engendre, la revue Desports. Le pari paraissait osé (d’autant plus qu’une tentative comparable menée par le quotidien L’Equipe avait préalablement échoué). La qualité des contributeurs autour d’Adrien Bosc, le soin apporté à ce qui est moins un magazine qu’un livre et un objet de luxe, l’accueil tant critique que public (10 000 exemplaires vendus) permettent de penser qu’il est en voie d’être gagné. Son numéro 2, qui paraît ces jours-ci, devrait lui permettre, pour filer la métaphore sportive, de transformer l’essai.
Dans Desports 2, on apprendra pourquoi Paul Auster a toujours un stylo sur lui et comment il est devenu écrivain. On regrettera avec Martin Amis les tennismans caractériels des années 1970. David Foster Wallace s’interrogera sur la géométrie des courts et le désordre des vies. Geneviève Brisac composera un requiem pour une pianiste et championne olympique. Anne Nivat jouera avec Enki Bilal à un drôle de jeu tandis que William Klein feuillette son album de photos de Roland-Garros. Entre autres choses. Entre courts-circuits, zigzags et inspirations soudaines, Desports impose son jeu. O. M.