De dos, elle fait « un peu grand cheval ». De face, Ingrid Bergman ressemble en revanche à une madone « aux yeux bleus, à la chevelure blonde et au sourire chaste ». En 1946, la carrière de la plus célèbre actrice des Etats-Unis, que l’on a vue dans Casablanca, La maison du docteur Edwardes ou Les enchaînés, flotte un peu. Ce jour de décembre, la voici qui achète une place au World Theater et s’apprête à découvrir Rome, ville ouverte d’un cinéaste dont le nom ne lui dit rien.
Mariée à un neurochirurgien qui lui sert de manageur, maîtresse du photographe Robert Capa, Bergman prend de plein fouet le film de Roberto Rossellini, comme ce sera aussi le cas avec Paisà. Quadragénaire connu pour ses mensonges, ses sautes d’humeur, ses fugues inexpliquées, l’Italien entretient quant à lui une liaison avec la fougueuse Anna Magnani à qui il a promis une « Comtesse de Monte-Cristo ». Il reste inconsolable de la mort de son fils Romano à l’âge de 9 ans. A joué au tennis avec le Duce et l’a laissé gagner.
Il prend de la cocaïne, aime aller vite, faire des films tout en détestant en voir. Ingrid Bergman lui a écrit son envie de tourner sous sa direction. Leur première rencontre va avoir lieu pendant le tournage des Amants du Capricorne d’Alfred Hitchcock, le maître du « dédale millimétré ». Très vite, Rossellini a en tête une histoire de femme lettone et de volcan, commence à imaginer Stromboli. Bergman et lui vont se chercher, puis tomber dans les bras l’un de l’autre et entamer une aventure à la fois intime et cinématographique.
Très documenté sur l’époque qu’il fait revivre et sur ses protagonistes, François-Guillaume Lorrain a le sens du récit, du portrait et de la formule. Le lecteur suit l’auteur de L’homme de Lyon (Grasset, 2011, repris au Livre de poche) raconter avec virtuosité et panache la rivalité entre les producteurs Samuel Goldwyn, David Selznick et Howard Hughes, tout en n’oubliant pas un épisode du jeu de séduction entre Bergman et Rossellini. L’année des volcans mérite tous les oscars. Al. F.
