Les potentialités d'une île. Ingénieure célibataire en quête de sens, Eva lâche du jour au lendemain sa voiture hybride et son job à 42 k€ pour répondre à une annonce du Conservatoire du littoral : s'installer seule sur un minuscule îlot perdu du Pacifique Sud, réparer la station météo, tester la vie en autonomie et, accessoirement, y maintenir la souveraineté nationale. Mais le climat est rude et, en quelques mois, les réserves sont épuisées, et le téléphone satellite HS. C'est alors qu'apparaît un miracle : un bateau français faisant des ronds dans l'eau au large de l'atoll, pour dénicher des gisements de minerais... Un miracle, vraiment ?

Pour la première fois seul aux commandes d'un album, Léonard Chemineau (La bibliomule de Cordoue, Edmond...) construit un projet qui lui tient à cœur, lui l'ancien ingénieur spécialiste du développement durable. Il s'appuie en effet sur un récit à la Robinson Crusoé pour interroger l'impact de l'espèce humaine sur la planète, les ressources dont elle a besoin et les paradoxes du progrès, qui détruit pour, prétendument, mieux réparer. Ainsi, le personnage d'Eva, à travers ses galères - potager qui ne pousse pas, poissons qui ne mordent pas... -, révèle que le savoir et la transmission sont essentiels aux sociétés pour ne pas répéter les erreurs du passé. De l'autre côté, le chef de projet minier défend la nécessité de trouver des terres rares pour fabriquer les machines qui répondront aux besoins de la transition énergétique (batteries, etc.), quitte à saccager un peu plus encore la nature sauvage. Le tout, dans le contexte d'un monde globalisé capitaliste refusant de se remettre en question.

Le message est clair et le récit subtil, parfaitement rythmé et séquencé. Léonard Chemineau s'appuie aussi sur des symboles pour éclairer son discours, comme ce chiffre de 1,7 hectare, superficie de l'îlot, qui est la surface théorique nécessaire à chaque habitant de la planète pour y puiser ses ressources et éliminer ses déchets. Alors que l'empreinte écologique actuelle est de l'ordre de 2,8... Au-delà de la réflexion qu'il suscite, La brute et le divin est aussi un ravissement pour les yeux : par ses encres colorées, Léonard Chemineau offre des planches lumineuses et chatoyantes, pour mieux croquer ce petit morceau de paradis terrestre. Tant qu'il est encore temps...