Présenté par le Sénateur UMP de l’Aube Yann Gaillard, la commission des finances du Sénat a remis son rapport sur la tutelle du Ministère de la Culture et quatre grands établissements culturels le 12 juillet dernier. Ce diagnostic partait d’un constat numérique : 78 établissements publics, soit le double d’il y a 20 ans, captent 40% des crédits du Ministère. Cela équivaut à 22 000 emplois à temps pleins. Le Sénat a voulu s’interroger sur la contribution à la politique culturelle, l’étendue de l’autonomie de ces établissements, l’implication politique et administrative de la tutelle, les modalités de gestion de chacun. Ce rapport avait choisi d’ausculter l’Opéra de Paris, le Louvre, la Cité des sciences et de l’industrie et la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Trois blocages entre la tutelle et la BnF
Le rapport a mis en exergue trois importants obstacles à l’interaction entre l’Etat et l’établissement public.
- Une action politique obstructive
La critique vise avant tout l’ancien ministre de la culture. « L’établissement public ne semble pas contester la tutelle administrative et financière, même s’il regrette que son projet de contrat de performance n’ait pas abouti. Comme on l’a vu, l’administration du ministère de la culture avait soutenu ce projet, le point d’achoppement se situant au niveau du cabinet politique. » L'explication de cette attaque est simple. La BnF avait voulu mettre en place un contrat d'objectifs et de moyens que le cabinet de Renaud Donnadieu de Vabres a rejeté, motivé par la mise en application de la LOLF qui exigeait plutôt des contrats de performance. La BnF a donc rédigé un contrat de performance, mais le même ministre en a retardé la signature, préférant attendre le remplacement de M. Jeanneney. Tout cela s’est fait au détriment de l’établissement public. Cependant le rapport souligne que si le contrat de performance n’a jamais être officialisé, la BnF « s’imposait seul cette démarche de modernisation. »
- Une bibliothèque numérique trop lente
Quand Google initie une politique commerciale de numérisation de livres fin 2004, le Sénat remarque que « les premiers crédits permettant de mettre en oeuvre la réponse française et européenne n’ont été ouverts qu’en 2006. » Un temps d’action qui semble en décalage avec le temps de perception des personnels politiques. Le rapport insiste sur le trop faible nombre d’ouvrages numérisés et sur la faiblesse de la contribution française au projet européen. Cette contribution devrait être de «10 millions d’euros par an », là où le projet de loi de finances pour 2006 n’en attribuait que 3,5 millions d’euros pour la numérisation d’ouvrages. « La mise en réserve des crédits en début d’année a failli amputer ce poste, la BnF a obtenu l’autorisation de prélever sur son fonds de roulement pour financer cette politique culturelle . L’établissement public étudie la possibilité de faire appel au mécénat pour financer ce projet. Dans le cadre d’action communautaire défini, il paraît nécessaire et raisonnable que le financement reste à hauteur de 60 % public . Il ne semble pas qu’une solution ait été trouvée à ce jour. »
- La DLL, un nain sur les épaules d’une géante BnF ?
Le Sénat constate que « le ministère de la culture exerce sa tutelle, dans le respect de l’autonomie de la BNF, mais sans la laisser « seule sur son rocher ». » Mais le rapporteur fait part des inquiétudes de la Direction du Livre. Celle-ci « paraît désireuse de se moderniser au plus vite, et réfléchit dans ce contexte à sa fusion avec le centre national du livre . Un tel projet permettrait, grâce au regroupement des personnels experts, d’atteindre une taille critique , permettant notamment d’exercer dans de meilleures conditions la tutelle sur la Bibliothèque nationale de France. »
Un établissement public populaire et nécessaire
Avec un budget de 125 millions d’euros, la BnF représente 5% des crédits de paiement du Ministère et 21% des emplois culturels. L’établissement reste très dépendant des subventions de l’Etat (91.7% du compte de résultat) et ses objectifs restent ambitieux : développer et améliorer le site Richelieu, contribuer à la création et la constitution de la BnuE (Bibliothèque numérique européenne), consacrer des moyens plus importants la recherche scientifique.
Créé en 1994, recevant plus d’un million de visiteurs, l’établissement public national de la BnF est déployé sur plusieurs sites à Paris, en Île de France et en province.