Si les livres que nous achetons reflètent nos états d'esprit et nos attentes, il se passe quelque chose d'étrange dans la tête des Français. Il semble - et c'est assez inédit - que l'actualité brûlante nous laisse désormais complètement froids. Alors que nous sommes en pleine période électorale, nous aurions pu supposer que les auteurs de biographies politiques, analyses et pamphlets caracolent en tête des vingt meilleures ventes des essais. Or il n'en est rien. En jetant un œil sur cette catégorie, on n'y trouve en matière d'écrits politiques que l'ouvrage collectif Tracts, n° 34 : Zemmour contre l'histoire (Gallimard), en 13e position, après avoir perdu trois places, suivi du Réveillons-nous ! (Denoël) d'Edgar Morin (qui perd aussi 6 places.) C'est peu.
Quant à la guerre d'Ukraine, omniprésente sur nos écrans, elle ne dynamite pas non plus le classement. Là où un déferlement de titres était à espérer (ou à craindre) ne figure que l'ouvrage de Vladimir Fédorovski, Poutine et l'Ukraine : les faces cachées (Balland Éditions). →Mais quand nous tournons l'autre œil, cette fois vers le Top 20 qui réunit toutes les littératures, que voyons-nous ? Des mangas, des mangas et encore des mangas. Avec huit BD, les auteurs japonais occupent près de la moitié du tableau. Nous connaissions déjà le lien entre le confinement, le Pass Culture et la consommation de dessins nippons. Nous découvrons maintenant une nouvelle connexion : le désintérêt pour la vie politique et l'afflux des images de guerre à la télévision nous mènent aussi tout droit au manga. Serait-ce l'ultime baume de réconfort ? →