Trois ans avant la venue au monde de sa petite-fille Loli, Pierrette Fleutiaux a d’abord senti l’appel de celle qu’elle appelle sa « petite chérie », son « enfant du bout du temps ». Elle a alors éprouvé une présence. Un « effleurement » à la surface de ses pensées, « comme une stimulation lointaine qui [l]’aurait atteinte, sans forme, sans couleur, sans aucun contour ».
Dans Loli le temps venu, le beau récit qui paraît chez Odile Jacob avec une préface de Françoise Héritier, l’auteure de Nous sommes éternels (Gallimard, 1990, prix Femina, repris en Folio) raconte ce qui a ensuite changé dans sa vie après l’arrivée de Loli. Depuis qu’elle s’est mise à tenir un journal hebdomadaire du développement de la petite fille qu’elle s’en va garder une fois par semaine. « Pour elle plus tard, pour ses autres grands-parents qui habitent ailleurs. Pour moi surtout. Pour être encore avec elle, prolonger sa présence et recréer autour de moi l’espace enchanté où le monde semble un vaste nid créé pour l’enfant, où mes pensées sont en place et mon corps comme synchronisé sur un principe parfait et secret de la vie », détaille-t-elle.
« Sans ombre, sans frein. Je suis, point », affirme- t-elle, lorsqu’elle se trouve en présence d’une enfant avec laquelle jamais elle ne s’ennuie, une enfant qu’elle sent jusque dans ses os et qu’elle quittait au début le « cœur déchiré ». Pierrette Fleutiaux raconte les trajets en métro pour aller retrouver Loli, les sorties au parc avec le toboggan et le petit seau à cailloux, les visites au musée.
La voici qui en vient à s’inquiéter de la survie de l’humanité, de la mort du soleil. Qui relate avec humour ses déboires face à un landau rétif, confie ses peurs ou explique l’évolution d’une gamine qui fait peu à peu son entrée dans la parole. A Loli, à qui elle lit Guili Lapin de Mo Willems, elle a envie sans cesse de donner de la douceur. Le lecteur, lui, ne peut qu’être ému par un texte d’une rare sensibilité. Alexandre Fillon