Parmi les débats qui avaient suivi la publication en 2010 de Kapuscinski : le vrai et le plus que vrai d’Artur Domoslawski (Les Arènes, 2011), la biographie de la star du grand reportage Kapuscinski (1932-2007), il y avait celui-ci : les livres du Polonais contenaient-ils trop de fiction pour être qualifiés de journalistiques et trop de non-fiction pour appartenir à la littérature ?
La parution dans la collection "Mille & une pages" chez Flammarion de ce volume parcourant près de cinquante ans d’aventures, est l’occasion de constater que Kapuscinski a d’abord et toujours fait du Kapuscinski. Approche en longue immersion, attention particulière aux personnages secondaires, narrateur au statut changeant…, au gré de ses collaborations - avec l’Agence de presse polonaise (PAP), avec les hebdomadaires Polityka et Kultura -, l’écrivain journaliste a pris, selon les sujets, plus ou moins de liberté avec "l’événement" et la chronologie.
C’est à Véronique Patte qui a assuré ces dernières années de nouvelles traductions en français directement du polonais (quand plusieurs titres avaient été traduits depuis la version anglaise) que l’on doit la présentation de ces Œuvres. On y trouve les deux grands livres sur le pouvoir que sont Le négus, né de quatre séjours en Ethiopie entre 1963 et 1977, et Le shah, "couverture" de la révolution islamique en 1979 en Iran. D’une guerre l’autre, consacré à l’Angola au moment de l’indépendance en 1975, et Ebène, synthèse de ses pérégrinations africaines. Mais à ces livres phares s’ajoutent des titres moins connus comme La guerre du foot sur l’Amérique latine ou Imperium sur l’Union soviétique. Ainsi que des textes de jeunesse dont ces sept nouvelles ramenées d’un reportage au cœur de la Pologne en 1958, issues du recueil "Le bush à la polonaise". "Le macchabée" qui raconte le rocambolesque transport d’un cercueil à travers la campagne était paru dans une anthologie chez Noir sur blanc, La vie est un reportage (2005), mais les six autres récits sont inédits en français. Le volume se clôt sur le plus réflexif, Mes voyages avec Hérodote, le dernier livre paru du vivant de l’auteur, en 2004.
Réagissant aux polémiques, suite à la publication de la biographie de Kapuscinski, l’écrivain Andrzej Stasiuk avait eu ce commentaire : "En ce qui me concerne, je l’ai probablement toujours lu pour lire. Pour le plaisir de la lecture. Pour les phrases, pour les chapitres, pour les fragments, pour l’histoire qu’il était capable de tisser à partir de détails, d’observations, de miettes. Etait-ce la vérité ? Etait-ce la réalité grandeur nature, comme un rapport de police ? Tout cela ne me préoccupait nullement." Véronique Rossignol