6 juin > BD Canada

Combinaison, palmes, masque, bonbonne… Qu’il pleuve ou qu’il vente, Jack Joseph plonge. C’est son métier dans cette province un peu désolée de Nouvelle-Ecosse, à l’extrémité orientale du Canada. Soudeur sous-marin sur une plateforme pétrolière, il est souvent absent de chez lui. Alors que sa femme est enceinte jusqu’aux dents de leur premier enfant, il est également de plus en plus absent à lui-même et aux autres. Pas facile de devenir père. Cette perspective fait remonter à la surface des souvenirs enfouis et douloureux de l’enfance. Mais c’est au fond de l’océan, où il a aperçu une mystérieuse montre à gousset qui l’a brusquement ramené vingt ans en arrière, que Jack Joseph cherche désespérément, au péril de sa santé et de sa vie, des réponses à ses interrogations.

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Avec Jack Joseph, soudeur sous-marin, Jeff Lemire, qui partage son temps entre la réalisation de comics pour DC/Vertigo (Animal Man, Swamp thing, traduits chez Urban Comics) et le roman graphique plus intimiste, retrouve la veine du remarqué Essex County (Futuropolis, 2010), pour lequel l’auteur canadien s’était inspiré de ses souvenirs d’enfance dans une petite ferme de l’Ontario. Il dresse cette fois le portrait d’un homme soudain tétanisé par l’exhumation des traumatismes d’une enfance écartelée entre des parents séparés, et pendant laquelle il a été marqué par l’affection contrariée d’un père qui lui a donné le goût de l’eau dans laquelle on s’immerge tout en cultivant pour lui-même le goût immodéré de l’alcool.

Graphiquement, le dessinateur a encore progressé. Alternant des plans très serrés, des séquences denses couvertes par plusieurs cases très précises, et des perspectives plus larges, dont il travaille la profondeur de champ, il joue sur des registres multiples, tantôt très réalistes, tantôt introspectifs ou oniriques, distillant une anxiété sourde. Jeff Lemire se révèle en peintre affûté d’une mélancolie qui suinte de tous ses personnages comme des paysages sauvages de la Nouvelle-Ecosse. Une mélancolie qui envahit peu à peu tout l’espace jusqu’à en raréfier l’oxygène.

Fabrice Piault

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