Le festival de littérature de Jaipur accusé de néocolonialisme

L'entrée du Festival de Jaipur

Le festival de littérature de Jaipur accusé de néocolonialisme

Des journalistes et intellectuels indiens reprochent à William Dalrymple de marginaliser les auteurs nationaux.

Par Vincy Thomas,
avec vt, avec afp Créé le 15.04.2015 à 22h43

Le plus grand festival de littérature en Inde, à Jaipur dans le Rajasthan, s'apprête à ouvrir ses portes vendredi 21 janvier sur fond de polémique. L'un des organisateurs, un Britannique, a été accusé de se comporter en néocolonialiste dans le choix des invités.

Depuis sa création en 2006, le festival est devenu l'événement littéraire à ne pas rater en Inde et l'un des plus importants d'Asie.

Quelque 220 auteurs ont été invités cette année et les organisateurs attendent pas moins de 50 000 personnes pendant les cinq jours du festival, qui propose débats, lectures et concerts dans le cadre enchanteur d'un hôtel historique de la "ville rose".

Parmi les écrivains présents pour cette 6e édition, figurent notamment le Sud-Africain J.M. Coetzee, lauréat du prix Nobel de littérature en 2003, le Franco-Afghan Atiq Rahimi, qui a remporté le prix Goncourt en 2008, ou encore l'Américain Junot Diaz, lauréat du prix Pulitzer la même année.

Ces stars côtoieront les quelque 150 auteurs indiens invités pour ce festival qui se targue d'être un rendez-vous de passionnés où l'absence totale de "culture VIP" permet au public de rencontrer dans la foule les écrivains et converser à bâtons rompus.

Mais c'est la présence de vedettes internationales qui vient de créer la polémique.

Cofondateur du festival, l'historien écossais et expert de l'Inde William Dalrymple, a été accusé début janvier dans un magazine de marginaliser les auteurs indiens, leur réservant un simple rôle de figuration. L'auteur de l'article a remis en cause la légitimité de M. Dalrymple, se demandant pourquoi un Européen - de surcroît citoyen de l'ancien Empire britannique - était devenu un "arbitre pompeux de la qualité littéraire en Inde".

Selon ce journaliste, le festival fonctionne non pas pour sa qualité littéraire mais "parce qu'il nous ligote à l'establishment littéraire britannique".

La polémique a enflé lorsqu'un écrivain indien Pramod Kumar, pas invité au festival cette année, a déclaré à son tour que c'était lui et quelques autres qui étaient à l'origine du festival. Selon lui, M. Dalrymple est coupable de "blanchiment post colonial" en se proclamant le fondateur.

Ces violentes accusations ont surpris l'intéressé qui a répondu que les deux tiers des invités étaient indiens et que les critiques formulées s'apparentaient à du "racisme à l'envers".

"Si quelqu'un dit que Salman Rushdie (auteur britannique d'origine indienne) n'a pas le droit de jouer un rôle prépondérant dans la vie littéraire de New York ou de Londres, on va lui dire qu'il est raciste. La même logique peut être utilisée à l'envers pour voir à quel point (ces critiques) sont racistes", a-t-il réagi dans le quotidien Times of India.

Dans ce contexte, la venue à Jaipur de J.K. Rowling - l'auteure britannique à succès des aventures de Harry Potter - annoncée dans la presse voici quelques jours aurait pu mettre de l'huile sur le feu. Mais l'organisation a, fort opportunément, démenti la rumeur.

La manifestation s'achève le 25 janvier.

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