Du policier scandinave, devenu en quelques décennies une branche majeure du genre, on croyait avoir tout lu. Avec sa tétralogie consacrée à Kouplan, détective immigré en Suède, sans-papiers, SDF et transgenre, dont Ça ne coûte rien de demander constitue le deuxième volet, Sara Lövestam est en passe de démontrer le contraire. Il faut dire qu’elle fait fort, transgressant les codes du roman policier, scandinave ou non. Comme souvent, ce qui passionne le lecteur, plus que l’intrigue, au final assez "banale" - escroqueries, mensonges, amours, séparations, retrouvailles -, ce sont les personnages, leurs liens, et l’analyse psychologique dont ils sont les cobayes, ou les praticiens : avant d’arriver à Stockholm, Kouplan, "le détective le plus nul du monde" (c’est lui qui le dit), quand il était encore une fille, vivait en Iran et s’appelait Nesrine, et avait pour mère une psy. Il en a gardé un certain nombre de capacités, et une tendance à tout disséquer, interpréter jusqu’au moindre signe. Ça lui est utile dans son job. Mais il est trop crédule : brave garçon, en quête d’affection et d’empathie, il croit absolument tout ce qu’on lui dit, et subit donc de fréquentes désillusions. Les gens, les femmes surtout, sont bien plus complexes qu’il n’y paraît.
Ainsi Jenny Svärd, conseillère municipale à Stockholm, femme de pouvoir brutale, divorcée, qui tombe amoureuse d’une mystérieuse Amanda - "alors que je ne suis même pas lesbienne", expliquera-t-elle à Kouplan. N’empêche qu’elle vit une véritable idylle, forge des projets d’avenir : acheter un terrain pour y bâtir une maison, par exemple. C’est Amanda qui s’occupe de tout… et disparaît avec le magot : 200 000 couronnes. Rencontré par hasard dans la rue, Kouplan va se voir chargé par Jenny de retrouver Amanda (laquelle ne s’appelle évidemment pas comme ça), de lui permettre de se venger et de récupérer son argent. Et ça marche. Le détective, qui n’a pas confié à sa patronne sa situation, et craint donc à tout instant d’être arrêté par la police, se rend à Göteborg, retrouve Amanda, sympathise. Et elle lui raconte "tout" : un tissu de mensonges ! Sauf une chose : les 200 000 couronnes sont le fruit d’une magouille de Jenny au profit d’une multinationale. Ensuite, elle s’évapore à nouveau.
Kouplan, "homme né dans le mauvais corps", va devoir faire preuve de ses capacités, tout en continuant de mentir à Jenny. S’en sortira-t-il et échappera-t-il un jour à sa triste condition ? La suite au prochain épisode. J.-C. P.