Depuis les années 1970, les zoos traditionnels ont mauvaise presse en Italie, où les écologistes ont été à la pointe du combat pour leur transformation en « parcs animaliers », plus respectueux du bien-être des animaux, sous peine de fermeture : celui de Turin a disparu en 1987, celui de Milan en 1992. Celui de Rome, même, a failli clore ses grilles dans les années 1990, détesté par une conseillère municipale écologiste à la mairie, et quasi laissé à l'abandon. Ensuite, après une hécatombe de pensionnaires due à l'incurie générale et à des magouilles entre le secteur privé et la municipalité, il a été repris en main par l'Etat, rebaptisé Bioparco en 2011, et connaît de nouveau aujourd'hui, avec ses 1 100 animaux de 200 espèces différentes, et son fameux petit train, un grand succès populaire. Il faut dire qu'il est idéalement situé : 17 hectares au sein du parc de la prestigieuse villa Borghèse, sur les hauteurs de Rome.
C'est à Rome, justement, que s'est fixé en 2011 Pascal Janovjak, auteur de deux ou trois livres (dont L'invisible, paru chez Buchet-Chastel en 2009), après avoir travaillé dans des pays plus compliqués : la Palestine, ou le Bangladesh. Et il a eu envie de raconter la saga du zoo de la Ville éternelle, depuis sa création en 1911, sur le modèle de celui de Hambourg, jusqu'à nos jours. Cela aurait pu donner un récit pittoresque, puisque la destinée de l'établissement reflète assez fidèlement les hauts et les bas de l'histoire italienne. Il a fait faillite plusieurs fois, a subi des crises graves où ses animaux mouraient de faim, il a été bombardé pendant la guerre, en 1943, a subi la peste bovine. Mais il a été aussi visité par toutes les stars de passage, de Salvador Dalí à Salman Rushdie, qui lui a consacré un article dans le New York Times. Et il a également connu sa période mussolinienne, depuis les années 1920 quand le Duce lui confia Italia, la lionne qu'on lui avait offerte, jusqu'à ses folies d'Empire, quand le zoo fut rebaptisé « musée zoologique et colonial ». Janovjak rappelle qu'en 1935 la guerre italo-éthiopienne fit 3 731 victimes dans un camp, 250 000 dans l'autre.
Mais l'auteur a préféré le genre romanesque, qui lui permet de mêler une intrigue humaine et amoureuse à cette histoire. Celle de la rencontre improbable entre Chahine Gharbi, un architecte algérien qui débarque pour on ne sait trop quel chantier, s'installe en face du zoo, le fréquente assidûment, et Giovanna Di Stefano, la nouvelle directrice administrative et communication du Bioparco. Bien que mariés chacun de leur côté, ils vont s'aimer, brièvement, au milieu d'intrigues multiples, jusqu'à ce que l'élégant architecte disparaisse mystérieusement.
On respectera le côté nébuleux et toutes les histoires adventices qui donnent à ce roman son originalité, son charme, en plus de célébrer le dernier des tamandins, un genre de fourmilier en voie de disparition, qui fut longtemps la mascotte du zoo.
Le zoo de Rome
Actes Sud
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 19,80 euros ; 256 p.
ISBN: 9782330120825