6 FÉVRIER - RÉCIT France

Roland Jaccard, 70 ans, est éditeur, écrivain et joueur de ping-pong. Il aime les jeunes filles en fleurs, l'Asie et la littérature. Mais éprouve de la répulsion devant le corps des femmes enceintes, et de tout ce qui concerne la procréation, fidèle, au moins sur ce point, à sa vocation nihiliste. On peut retrouver toutes ses passions dans ce récit en forme de voyage autobiographique, volage et désillusionné, libre évocation de figures aimées et tutélaires où l'on croisera dans le désordre Sissi, héroïne de sa mère d'origine viennoise, Louise Brooks - à la mémoire de l'actrice, auteure de Mémoires d'une petite conne, Jaccard avait d'abord pensé appeler ce livre Ma vie et autres conneries -, l'amante lausannoise Candy et les écrivains japonais Mori Ogai et Natsume Sôseki, mais aussi plusieurs suicidés plus ou moins connus comme le mathématicien Henri Roorda, Sylvia, la compagne de l'écrivain américain Leonard Michaels, ou encore Richard Brautigan.

Dans Ma vie et autres trahisons, >qui prend souvent le lecteur à témoin, Roland Jaccard pratique l'art de l'autodénigrement, court-circuitant ses "confessions d'un vieux dégueulasse" par des exercices d'admiration. Si l'on goûte, comme lui, à l'humour, au "désespoir tonique", de Cioran, "le bouddha des Carpates" comme l'écrivain surnomme son maître en noirceur, on prendra plaisir à cette forme d'autoportrait en "pauvre type", inconstant et lâche, en «pongiste de plage". L'auteur de La tentation nihiliste (Puf, 2012) et du Dictionnaire du parfait cynique illustré par Topor affiche un cynisme moins pur que le titre de ce livre réédité par Zulma en 2007 ne le prétend. Et décrit plutôt son pessimisme comme un "talisman" protecteur, qu'il conserve bien qu'il n'en ait «plus besoin aujourd'hui".

Pour quelqu'un qui s'était fixé de ne pas dépasser les 40 ans, Roland Jaccard fait montre en tout cas d'un désenchantement d'une belle vigueur. Et parcourt ses trahisons avec une indéniable lucidité sur lui-même, relevant sa "principale contradiction" : "dire que rien n'a d'importance et pourtant accorder de l'importance à tout. C'est mon côté suisse ».

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