Après deux années difficiles pour cause de Covid-19, Angoulême a retrouvé ses flots de visiteurs. Alors que le Festival international de la bande dessinée (FIBD) s’est achevé dimanche 29 janvier, Livres Hebdo a retenu 8 tendances ou moments forts de la 50e édition de la grande messe annuelle de la bande dessinée.
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Une fréquentation retrouvée et des ventes supérieures à 2019
Des centaines de mètres de file d'attente pour une dédicace, des ruées sur les stands dédiés au manga ... Après une édition 2021 annulée et une édition 2022 lors de laquelle la fréquentation a souffert d'un report à une date inhabituelle, Angoulême a renoué avec sa cohue d'avant-Covid (autour de 200 000 visiteurs les meilleurs années). Un constat confirmé par les éditeurs en fin de festival, de Dargaud à Dupuis, en passant par Casterman et Glénat.
Chloé Delville, responsable événementiel chez Dupuis confirme un engouement continu, marqué par plusieurs ruptures de stock : « Samedi, à 18h30, nous n’avions plus d’exemplaires de Madeleine, résistante. Les auteurs ne pouvaient même plus dédicacer. Pour d’autres titres, on a réussit à en cacher quelques-uns ». Bilan pour la maison : des ventes de 10% supérieures à celles de 2019 et un podium du top des ventes occupé par Eliott au collège (Théo Grosjean) et Les amis de Spirou (BenBK, David Evrard, Jean-David Morvan).
Même phénomène sur le stand de Dargaud, malgré une « organisation bien rôdée ». D’après son directeur général, Stéphane Aznar, les ventes ont augmenté d’environ 25% par rapport à 2020 avec « des queues interminables pour voir Florence Dupré la Tour et Pierre-Henry Gomont ». Les dernières nouveautés - Blake et Mortimer (Edgar P.Jacobs), Furieuse (Mathieu Burniat, Geoffroy Monde), TZee (Bruno et Appollo, nominé dans la sélection officielle), Mythes et meufs (Blanche Sabbah) - ont constitué le palmarès des meilleures ventes, témoignant de l’important intérêt toujours porté à la BD hors manga.
Casterman indique avoir écoulé 30% de stock en plus que les années précédentes. Et Glénat revendique la croissance la plus haute avec 42,5% de plus qu'en 2020, d’après la directrice Marion Glénat. « Je pense que le festival lui-même a été dépassé », confie-t-elle, évoquant le quartier Manga « noir de monde et difficilement praticable ». Avec ses trois points de vente, la maison a fait carton plein, aussi bien pour la BD comme pour le manga.
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Un livre sur sept acheté en France est un manga
Le manga, star d'Angoulême. Outre la mise en place du quartier Manga City, exclusivement dédié au genre, d'interminables files d’attentes, colorées de jeunes cosplayers, ont été recensés tout au long du festival, pour obtenir posters, dédicaces et autres goodies de la part des mangakas internationaux présents sur place.
Selon les données de GFK, le manga représente en 2022 57% du volume du marché de la bande dessinée, qui elle-même pèse pour 25,2% du marché du livre. Parmi les 10 BD les plus vendues en France en 2022, six sont des mangas, dont deux One Piece, un Spy x Family et deux Naruto. Et sur les 100 livres les plus vendus en 2022, 28 sont issus du genre.
En dix ans, le volume du marché français du manga, deuxième au monde derrière le Japon, a donc été multiplié par quatre, atteignant 381 millions d’euros en valeur, avec 48 millions d'exemplaires vendus, soit 2% de plus que l'an passé. Enfin, le marché du manga a ameuté de nouveaux lecteurs avec l’ascension du format « webtoon » qui a augmenté de 14% depuis 2021.
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Le sacre de Riad Sattouf
Après deux Fauve d’or en 2010 et 2015, l’auteur franco-syrien a été récompensé du Grand prix d’Angoulême mercredi 25 janvier, à l’occasion de l'inauguration du festival. Cette fois, l’auteur de la série L’arabe du futur et des Cahiers d’Ester a été félicité pour l’ensemble de son œuvre, devançant Catherine Meurisse et Alison Bechdel. « Je suis profondément honoré et ému (...) C'est la pièce maîtresse qui manquait en haut de la pyramide de mon ego », a-t-il répondu à la réception du prix. Après s’être essayé à l’expérience cinématographique, le dessinateur a lancé sa propre maison d’édition en 2021.
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Martin Panchaud, Fauve d'or
Le Suisse Martin Panchaud a remporté samedi 28 janvier le Fauve d'or du meilleur album de l'année avec La Couleur des choses (Cà et là), a annoncé le jury du 50e Festival de la bande dessinée d'Angoulême. Ce Genevois de naissance signe un récit à la forme très originale, qui reprend les codes du jeu vidéo et du schéma technique, qui avait initialement été publié en allemand.
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« La BD française offre des pépites qui auront une place dans l’avenir »
Arrivée pour l’ouverture du festival, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a abordé la polémique Vivès, regrettant que « les sujets se soient mélangés » mais jugeant « légitime » la colère qui a découlé des « propos inacceptables », tenus par le dessinateur. Plus tard, la ministre a également exprimé son enthousiasme face à « l’engouement de la jeunesse à l’égard de la BD », qu’elle a décrit comme « une portée d’entrée, pour beaucoup, dans le milieu de la culture ». Porte d’entrée facilitée, selon elle, par l’instauration du pass Culture.
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La deuxième meilleure année de l’histoire de la bande dessinée
Après un bond historique en 2021, la bande dessinée est en 2022 le genre n°2 des ventes de livres en France, a confirmé une étude de GFK révélée pendant le festival, derrière la littérature générale (comprenant les essais). Le secteur a connu en 2022 la deuxième meilleure année de son histoire. Rappelons que l'album Le monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (Dargaud), écoulé à 525 000 exemplaires, a été le livre le plus vendu en France, en 2022. Toujours d'après GFK, la BD, comics et manga compris, capte un public de plus en plus large avec 630 000 nouveaux acheteurs. Au total, un acheteur de livres sur trois achète une bande dessinée.
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Papier, inflation : la BD face aux crises
« On a connu deux belles années, mais avec des marges parfois catastrophiques », a lancé Julien Papelier, directeur général adjoint du groupe Media-Participations, à l’occasion d’un forum « L’avenir de la BD à l’ère des bouleversement économiques et numériques », organisé par Le Point. Pour Simon Liberman, cofondateur des éditions 2024, le retour de la BD à des flux plus classiques se justifie aussi par les crises de ces derniers mois. « On a quand même dû faire la popote auprès des fournisseurs et imprimeurs, pour avoir du papier », a-t-il expliqué, rappelant que « la production d’une BD est plus coûteuse que pour un livre classique ».
Malgré les efforts des éditeurs pour garder « des prix raisonnables », le directeur adjoint de Media-Participations a déploré l’impact de l’inflation française, située à + 5,9% d’après GfK, sur le pouvoir d’achat du public. Frédéric Lavabre, fondateur des éditions Sarbacane, partage les mêmes craintes : « Les gens ne pourront pas forcément se permettre d’acheter une BD à 26€ ». Le patron de la maison pense donc à développer un format poche à 12 € - quatre sont déjà au catalogue -, et conclut que pour s’en sortir, « il ne faut pas perdre la création au profit d’économies de bout de chandelle ».
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Adaptations : « les BD françaises sont une source d’inspiration colossale »
Un autre forum, intitulé “Cinéma, séries, jeux vidéo, bande dessinée : nouvelles écritures multivectorielles”, a été l'occasion de réinteroger le potentiel économique des adaptations de bande dessinée.
Pour Déborah Kaufmann, de la société de production Legendary Entertainement, tout ne fonctionne pas : « Même si les Comics font l’ADN de la boîte, Watchmen, l’adaptation des albums d’Alan Moore, n’a pas marché ». A l’inverse chez Ubisoft, le passage du jeu vidéo à la BD a été fluide, a soutenu Etienne Bouvier, manager de contenu. Les lapins crétins ont été convertis en 15 tomes et le phénomène Assassin’s Creed en 7 albums, édités au sein de la maison d’édition interne « Les deux royaumes ». De son côté, Nine Antico, illustratrice et scénariste (Madones et putains, Dupuis, 2023) est « venue à la BD par le cinéma, avant de revenir au cinéma par la BD ».
Des frontières poreuses donc et des succès d’adaptation à géométrie variable. Fidélité à l'œuvre originale ou distanciation ? Immersion narrative ou interactivité ? D’après Guillaume Colbac, co-producteur chez Gaumont, les adaptations demandent de retravailler une matière « déjà ultra-travaillée”, ajoutant qu’« il faut voir s’il existe une communauté derrière l’album, avant d’enfiler les lunettes du marché et voir si c’est faisable en termes de coûts ». Du côté de l’adaptation radiophonique, Benjamin Abitan, qui a adapté les Aventures de Tintin en pièces radio sur France Culture, a avancé le rythme du dialogue et le potentiel du hors-champ comme deux éléments déterminants.
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