L’autoédition trace son sillon

"Le marché est de plus en plus concurrentiel, avec de nouveaux petits acteurs qui montent."Odile Marion, Dunod - Photo Olivier Dion

L’autoédition trace son sillon

Plusieurs ouvrages parus en autoédition et destinés aux professionnels sont devenus des succès de librairie. Les éditeurs s’efforcent de séduire leurs auteurs qui avaient dans un premier temps échappé à leur radar.

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Par Charles Knappek,
avec Créé le 21.10.2015 à 16h02

L’autoédition va-t-elle rebattre les cartes de l’édition des livres de gestion-management, et plus spécialement d’entrepreneuriat ? Le succès remarqué du Backpack (près de 6 000 exemplaires vendus), publié l’an dernier en autoédition par l’agence de conseils pour start-up La Petite Etoile et le webzine dédié aux start-up françaises Maddyness, est une illustration de la tendance de fond qui bouscule les rayons professionnels des librairies. "Le marché est de plus en plus concurrentiel, avec de nouveaux petits acteurs qui montent, observe Odile Marion, directrice éditoriale entreprise, gestion et management chez Dunod. On le voit du côté de l’autoédition, mais aussi concernant les livres blancs qui sont de petites brochures utilisées par certaines entreprises ou des consultants pour se faire connaître et qui peuvent détourner les acheteurs de l’édition traditionnelle."

"Effectuation autoédité s’était vendu entre 100 et 200 exemplaires. Chez nous, il a presque atteint la barre des 2 000."Julie Berquez, Pearson- Photo OLIVIER DION

L’autoédition, en particulier, pose question aux éditeurs qui n’hésitent plus à contacter ces électrons libres pour les intégrer à leur catalogue. "Nous avons été approchés par quatre ou cinq maisons d’édition, confirme Margaux Derhy, fondatrice de La Petite Etoile. Nous n’avons pas donné suite car nous voulons garder la main sur le projet. " Pour autant, Margaux Derhy a conscience des inconvénients propres à l’autoédition. "Nous avons du mal à passer par le circuit des librairies, les distributeurs ne sont pas intéressés car nous proposons un seul titre. " Conséquence, la 2e édition du Backpack parue le 15 septembre se vend essentiellement sur Amazon et Fnac.com, comme ce fut déjà le cas pour la 1re édition. La librairie généraliste, en particulier, constitue un "tout petit canal de vente" que La Petite Etoile a renoncé à prospecter. "Nous avons été très déçus par les ventes en librairie indépendante, nous avons donc décidé de ne plus être proactifs. Nous répondons seulement aux demandes", ajoute Margaux Derhy.

Passage à l’édition classique

Si la plupart des auteurs autoédités peinent à rencontrer le succès parce qu’ils ne parviennent pas à s’insérer dans la chaîne du livre, il y a des exceptions. Le Belge Frédéric Laloux, par exemple, a publié l’an dernier Reinventing organizations sur Amazon, en langue anglaise. Le titre, qui s’intéresse à la manière de manager les nouvelles générations en mode collaboratif, s’est écoulé à 50 000 exemplaires. De quoi intéresser un éditeur français, en l’occurrence Diateino, qui le publie en français le 22 octobre. "Nous conservons le titre en anglais, qui reste toujours le même dans toutes les traductions", souligne Dominique Gibert, la fondatrice de Diateino. Même pour un auteur aux ventes plus modestes, le passage à l’édition classique permet de trouver un nouveau public. Philippe Silberzahn a autoédité Effectuation avant que l’ouvrage ne soit repris par Pearson. "Le livre autoédité s’était vendu entre 100 et 200 exemplaires. Chez nous, il a presque atteint la barre des 2 000", indique Julie Berquez, éditrice senior business et management. Pearson va réitérer l’opération en novembre avec le nouveau livre de Silberzahn, consacré à l’innovation de rupture.

Les éditeurs portent donc un regard de plus en plus attentif sur le monde de l’autoédition pour repérer des talents et des formes de traitement des sujets. "Si nous discutons avec certains auteurs, cela ne veut pas dire qu’on va les publier, précise Odile Marion, chez Dunod. C’est surtout pour comprendre comment ils travaillent et nourrir notre réflexion sur ce sujet. " L’autoédition sert de tremplin à des auteurs comme Frédéric Laloux, dont la version anglaise du livre avait, d’ailleurs, vite été publiée par une maison traditionnelle. "L’autoédition crée une émulation, mais ce n’est pas de la concurrence car la majorité des auteurs cherchent à se faire publier par un éditeur, estime Dominique Gibert, chez Diateino. Même des auteurs à succès comme Seth Godin ou Guy Kawasaki ont tenté l’expérience de l’autoédition, mais ils en sont revenus. " A La Petite Etoile, Margaux Derhy envisage de publier d’autres ouvrages, mais elle n’a pas encore choisi quel modèle elle adoptera. "Avec plusieurs titres, nous aurons plus de facilités pour toucher les librairies, mais dans le même temps, nous ne voulons pas devenir une maison d’édition. "

21.10 2015

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