A l’émission Le téléphone sonne de France Inter, le 23 août dernier, il disait avoir lu pendant son été soixante des romans programmés pour la rentrée littéraire ! Et personne dans le studio n’a songé à mettre en doute cette performance. La boulimie de lectures de Laurent Bonelli faisait partie des données intangibles du paysage littéraire. Sa passion va nous manquer. Un cancer fulgurant a emporté les projets d’une autre vie - toujours au service du livre - auxquels il songeait depuis quelques mois. Laurent est mort à 39 ans le 19 décembre dernier, la veille du jour où devait se terminer sa carrière de libraire au Virgin des Champs-Elysées.
Là, comme il l’avait fait auparavant à la Fnac de Dijon puis au Furet du Nord de Lille, il se démenait comme un beau diable pour imposer ses coups de cœur sans ostracisme, pour donner leur chance à tous les livres et à tous leurs auteurs sans préjugés, fier d’animer un lieu dont la situation géographique imposait diversité et dimension internationale. Il avait la magie d’organiser des rencontres historiques entre les écrivains et les lecteurs, comme cela a été le cas tout dernièrement avec Sophie Audouin-Mamikonian, la créatrice de Tara Duncan, la série culte des jeunes, ou avec Jonathan Littell, l’auteur des Bienveillantes…
Mais surtout, Laurent Bonelli savait faire de chaque livre un objet de séduction inégalable. Pour cela, il ne rechignait devant aucun argument, utilisant sans vergogne l’appât des autres médias, radio et télévision. Après avoir été longtemps chroniqueur de Tam Tam l’émission de Pascale Clark, sur France Inter, il a participé à Field dans ta chambre sur Paris Première et intervenait dans l’émission matinale de Sophie Davant sur France 2. Il avait plein d’autres projets du même type, persuadé que le livre vivait de la multiplication de ces relais.
Depuis quelques mois, il avait même poussé la logique jusqu’à faire ses premiers pas d’éditeur en animant une collection chez Laffont.
Avec ses partis pris et ses coups de gueule, son flair pour détecter la création authentique et son talent pour communiquer ses passions, il incarnait une belle et encore trop rare image de libraire, moderne et gourmand, exigeant et pourtant ouvert sur les sensibilités les plus variées.
Archives : portrait par Clarisse Normand, dans LH n°519, 20.06.2003
Hommage à Laurent Bonelli- Lundi 22 janvier, à 11 heures, en l’église de Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e), une messe sera dite en hommage à Laurent Bonelli disparu le 19 décembre.