"Je suis arrivée à L’Aube dans le cadre d’un stage que j’effectuais pour mon mémoire d’anthropologie d’entreprise ; cela fait cinq ans, je ne suis finalement jamais repartie", raconte Manon Viard. Rejoindre l’entreprise familiale créée par ses parents, Jean Viard et Marion Hennebert, n’a pourtant pas toujours été une évidence pour la jeune femme. Conçue en même temps que la maison d’édition, elle a grandi avec elle et a vu de l’intérieur le métier d’éditeur au quotidien : beaucoup de bonheur et de passion, mais aussi un travail acharné, l’incertitude et le souci constant de maintenir l’entreprise à flot. "Lorsqu’ils étaient jeunes, nos six enfants étaient dans une forme d’opposition à la maison d’édition, qui était extrêmement chronophage, se souvient Marion Hennebert. Tout particulièrement Manon qui était pourtant très littéraire : à 13 ans, elle écrivait déjà des romans." Il aura fallu quelques années à la jeune femme pour accepter "un désir qui n’était ni assumé, ni conscient". Et maintenant ? "Je me projette de plus en plus dans un avenir à L’Aube et me construis ma propre voie", assure Manon Viard. Secrétaire générale de la maison, elle a trouvé dans la direction de la collection de polars un terrain neutre qu’aucun de ses parents n’avait particulièrement investi. Cela lui permet de s’épanouir et de construire sa légitimité. "J’ai souffert du complexe du "je suis là uniquement parce que je suis la fille de", et je sais pertinemment que je n’aurais pas pu avoir ce poste dans une autre structure que celle de mes parents, mais j’ai fini par gagner ma place." Elle l’a conquise notamment en travaillant "comme une folle" pour faire ses preuves auprès des auteurs, des traducteurs et des salariés.
Jean Viard et Marion Hennebert n’étaient pas sûrs qu’un de leurs enfants souhaiterait reprendre le flambeau familial. "Cela nous angoissait à long terme, surtout vis-à-vis de nos auteurs auprès desquels nous avons des responsabilités", ajoute Marion Hennebert. Même si, précise Manon, "rien n’est complètement gravé dans le marbre", sa mère se dit "fière et soulagée de l’avoir à L’Aube, d’autant qu’elle est particulièrement douée dans ce qu’elle fait". La jeune femme estime elle-même que sa présence dans l’entreprise "sécurise les collaborateurs puisqu’ils y voient le signe que la maison a un avenir". Un avenir qui s’annonce plutôt bien puisque l’entreprise est saine et en croissance. "Peut-être justement grâce à Manon", avance sa mère. d