« Dis-moi qui tu es, je te dirai quoi lire ». Tel pourrait être l’adage de Badabook, un nouveau service de recommandation de lecture fondé sur l’intelligence artificielle. Présenté ce jeudi 16 octobre par Félicité Herzog, présidente de Devina IA et dirigeante de la librairie l’Écume des pages, lors d’une rencontre à la librairie 7L à Paris, cet outil conçu en partenariat avec Microsoft offre aux lecteurs indécis une expérience de découvrabilité ultra-personnalisée. Accessible gratuitement sur badabook.com, il propose également un accompagnement de lecture sur-mesure, pensé pour renouer avec le plaisir de lire.
Un questionnaire pour une recommandation ultra-personnalisée
Plus qu’une simple suggestion algorithmique, Badabook se veut un véritable compagnon de lecture. Après avoir répondu à six questions quasi existentielles (« Tu peux changer une chose dans le monde. Que fais-tu ? » ou encore « Tu peux dîner avec n’importe qui, vivant ou mort. Qui invites-tu ? »), l’utilisateur se voit proposer cinq ouvrages. Pour chacun d’entre eux, le service en détaille le résumé, les thématiques et surtout les raisons du choix, établis à partir du profil émotionnel et des réponses du lecteur.
Dans un second temps, ce dernier reçoit par e-mail une recommandation approfondie, assortie de conseils personnalisés, à la manière d’un véritable coaching littéraire. Mais Badabook ne s’arrête pas là : à l’issue de cette sélection, le service oriente directement le lecteur vers la Fnac ou La Place des libraires, lui permettant d’acheter l’ouvrage au plus près de sa localisation. L’objectif ultime ? Aider chaque lecteur à trouver le livre qui entre en résonance avec ses envies et encourager les plus indécis, ou les plus éloignés du livre, à renouer avec le plaisir de lire.
Redonner du plaisir de lecture
« Beaucoup de personnes que je connais m’ont confié ne pas oser entrer dans une librairie. Elles ne s’y sentent pas toujours à leur place, lisent peu ou estiment que leurs lectures sont trop modestes. De facto, et c’est dommage, elles se privent des recommandations pertinentes que pourraient leur donner les libraires », a partagé Félicité Herzog. Partant de ce constat, et de celui d’une offre éditoriale pléthorique, de modes de consommation culturelle de plus en plus concurrents et d’une baisse préoccupante de la lecture, la présidente de Devina IA a donc souhaité apporter une réponse concrète.
« À la même période, je travaillais chez Vivendi sur différents cas d’usage liés à l’innovation. Au cours d’une collaboration avec Microsoft, l’entreprise m’a parlé d'un projet de recommandation par l’IA dans le domaine des cosmétiques. C’est ainsi que j’ai pensé qu’il serait possible, voire désirable, d’avoir une prescription littéraire ultra-personnalisée, capable de créer une connexion entre la librairie physique et l’IA pour un résultat sur-mesure », a-t-elle poursuivi.
Apprivoiser l’IA plutôt que de la redouter
Avec cette création, Félicité Herzog entend également utiliser l’IA pour approfondir la compréhension du rapport des lecteurs aux livres. Un choix qui n’est pas sans risque tant l’intelligence artificielle générative suscite l’inquiétude des auteurs, éditeurs et libraires. Mais que les professionnels du livre se rassurent : si Badabook a été développé à partir d’un modèle LLM - la version initiale étant ChatGPT 1, avec une évolution possible vers ChatGPT 5 à terme -, les équipes responsables de sa conception « respectent la législation sur la propriété intellectuelle », en ne s’appuyant « que sur des sources publiques », assure la coordinatrice du projet.
« À l’époque de Platon et de Socrate, l’arrivée de l’écriture s’est accompagnée de craintes quant à la perte de mémoire vivante. Au XVe siècle, l’imprimerie de Gutenberg faisait craindre que la diffusion du savoir ne secoue l’ordre établi. Or, l’histoire nous a montré que ces révolutions ont plutôt favorisé l’enrichissement culturel. Les craintes autour de l’IA sont donc légitimes, mais cette technologie porte aussi la promesse de pouvoir accélérer l’accès à la culture », a complété Eneric Lopez, directeur IA et impact social chez Microsoft.
Bientôt plus de 100 000 ouvrages référencés
Aujourd’hui, Badabook en est à son premier stade de développement. Une cinquantaine de questions ont déjà été rédigées et intégrées à l’outil, et 1 400 livres sont recensés dans sa base. Dans les semaines à venir, ce seront près de 100 000 ouvrages qui seront mémorisés, offrant autant de possibilités de choix aux lecteurs. Disponible en français et en anglais, le service pourra à terme se déployer facilement dans de nombreuses autres langues, ouvrant la voie à une diffusion internationale.
Pour aller plus loin dans l’expérience utilisateur, Badabook a d’ailleurs été décliné en « totems conversationnels » grâce à un partenariat avec JCDecaux et les Aéroports de Paris. Ainsi, deux grandes stèles jaunes de plus de deux mètres de haut, installées respectivement à l’aéroport d’Orly et à Charles de Gaulle 3, présentent le service et permettent aux voyageurs de découvrir Badabook sur place. Directement reliés au Relay des deux aéroports, les totems invitent ensuite les utilisateurs à se rendre en boutique pour acheter l’ouvrage avec une remise immédiate de 5%, ou à le télécharger sur une liseuse.
Le modèle économique, quant à lui, reste à affiner. Mais Félicité Herzog est catégorique : « Le service restera gratuit. Nous nous y retrouverons grâce à des partenariats, à la création de licences, à un export à l’international, et peut-être à un commissionnement ».