Histoire/états-Unis 4 avril John Prados

Le sous-titre - qui est le titre de l'édition américaine - résume bien le propos. La CIA est une maison pleine de fantômes. Qu'on les nomme « étoiles » ou « météorites » en fonction de leur longévité dans les services, ces espions n'en finissent pas de nourrir les fantasmes d'une Amérique qui voudrait bien se débarrasser de ses démons, mais qui n'y parvient pas. Alors Hollywood les accueille en recyclant les coups tordus en dollars.

Mais attention, ici tout est vrai, les soutiens aux régimes dictatoriaux comme les falsifications de documents pour justifier des interventions militaires. Cela fait quarante ans que John Prados s'intéresse à la sécurité nationale américaine et tourne autour de cette institution. Auteur d'une remarquée Guerre du Viêt-Nam (Perrin, 2011, Tempus, 2015), il n'a pas conçu son livre de manière chronologique mais typologique.

Depuis la fondation de la Central Intelligence Agency par Truman en 1947, il relate les actions des agents les plus célèbres et les méthodes des conseillers juridiques qui tentent de donner l'aspect de la légalité à des missions contestables afin de calmer le pouvoir législatif, notamment en matière de torture. D'ailleurs, on ne parle pas de passages à tabac mais d'« empoignades » (attention grabs). Car, peu importent les mots, ce sont bien les usages de la CIA qui sont au cœur de ces ténèbres. Et puis, il y a les hommes, même si l'agence est dirigée depuis 2018 par une femme.

Parmi ces « shérifs » du renseignement et de la manipulation, Allen Dulles se détache. Il a laissé son empreinte sur l'Agence et lui a donné une demeure à Langley, en Virginie. Nerveusement fragile, Frank Wisner, voulait « s'occuper » du président indonésien Soekarno en 1957, dans le cadre du « projet Haik ». Interné dans un hôpital psychiatrique, il retrouve un poste à Londres, puis se suicide. Jose Rodriguez, lui, détruit les documents sur la violence des interrogatoires.

Cette agence tous risques, censée à l'origine servir la paix, n'est que le revers du pouvoir en place. Mais il s'agit bien de la même médaille. C'est pourquoi, dans son introduction comme dans sa conclusion, John Prados ne mâche pas ses mots sur Donald Trump. D'où ses inquiétudes envers cette officine à qui l'on peut presque tout demander du moment que : « Ne me dis pas que ce n'est pas légal. »

John Prados
Histoire de la CIA - Traduit le l’anglais (Etats-Unis) par Antoine Bourguilleau
Perrin
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 25 euros ; 544 p.
ISBN: 978-2-262-07262-9

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