FABRICATION

Laballery imprime collectif

La Prosper 1000 de Kodak, grosse imprimante rotative numérique couplée à une chaîne de finition Sigma line. Elle permet de produire des livres en continu, jusqu'à la mise sous film plastique. Pour les couvertures couleur, l'IGEN III vient tout juste d'être remplacée par la version IV, plus performante. - Photo OLIVIER DION

Laballery imprime collectif

Les salariés de Laballery sont aussi les actionnaires de l'entreprise, qui s'en porte très bien : l'imprimerie vient de mettre en service une presse rotative jet d'encre, elle embauche, et est bénéficiaire.

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Par Hervé Hugueny
avec Créé le 27.11.2014 à 17h08

Parmi les 10 millions de volumes qu'ils ont imprimés l'an dernier, les sociétaires de Laballery ont notamment vu passer Les clés pour bien manager (Joël Berger, éditions du Figaro Management). L'auteur s'interroge sérieusement, comme dans tous les ouvrages de ce genre, sur la "motivation des collaborateurs", la "création de l'adhésion", la "synergie du collectif", etc. S'ils n'avaient été occupés à fabriquer ce livre et quelques autres, les membres de cette Société coopérative et participative (Scop) auraient pu lui en écrire un chapitre, illustrant par l'exemple l'efficacité d'une organisation d'entreprise atypique : le capital de Laballery est réparti entre tous ses salariés, mais quel que soit le nombre d'actions qu'ils détiennent, tous ont une voix unique lors des votes en assemblée générale.

Photo OLIVIER DION

Croissance soutenue

Vu les résultats, cet égalitarisme fonctionne : dans un secteur en crise permanente, toujours en surcapacité de production, sous la concurrence incessante d'imprimeries implantées dans des pays à la main-d'oeuvre moins chère, Laballery embauche, se développe et est bénéficiaire. Cette PME de 68 salariés est, après Rhodia et Jacquet dont l'odeur des pains de mie traverse parfois les ateliers et les bureaux, le troisième employeur de Clamecy (Nièvre, Bourgogne), ville natale de Romain Rolland, au confluent des vallées de l'Yonne et du Beuvron. En 2011, son chiffre d'affaires a atteint 9,3 millions d'euros (+ 2,5%), pour 0,6 million d'euros de résultat net. L'imprimeur, qui ne fait que du livre mono ou bichrome, vient d'investir dans une Prosper 1000 de Kodak et a embauché 8 personnes cette année. Un vrai bonheur de bonnes nouvelles pour Arnaud Montebourg : ballotté depuis sa nomination d'une fermeture d'usine à un plan social géant, le ministre du redressement productif viendra le 16 novembre en voisin de sa Saône-et-Loire pour l'inauguration apaisante de ce nouvel équipement.

Gilles Mure-Ravaud, nouveau directeur général, devra nourrir le plan de charge de cette machine. Ancien directeur commercial de CPI, premier imprimeur de livre "noir" (monochrome) en France, il connaît parfaitement le marché de l'édition, et les clients susceptibles d'être intéressés par ce type d'impression. "Le livre imprimé a toujours un avenir. Il y a des secteurs où la demande reste forte, il faut les investir et quitter les autres. L'objectif chez Laballery est de gagner de nouveaux clients, et de transférer une partie de la production actuellement imprimée en offset sur cette nouvelle presse jet d'encre, afin de passer de plus grands tirages sur nos groupes offset KBA." Laballery travaille aujourd'hui avec 400 éditeurs environ, dont la plupart des principaux groupes parisiens, mais aussi un grand nombre de petites maisons installées en province. La Scop ne dépend pas ainsi d'un grand donneur d'ordres, mais elle est toutefois confrontée à la fragilité du secteur : l'an dernier, les provisions pour impayés ont presque doublé.

Pas d'emploi non productif

Laballery dispose déjà d'une expérience certaine dans l'impression numérique. En 2007, pressentant l'évolution de la demande vers les courts tirages, le précédent responsable de l'entreprise, Dominique Haudiquet, avait convaincu les sociétaires d'investir 2 millions d'euros dans une presse numérique Nipson toner et une ligne de finition intégrée. Récemment parti à la retraite, il gérait cette Scop depuis une quinzaine d'années, après avoir dirigé l'atelier de La Dépêche du Midi. Les salariés de l'ancienne imprimerie Laballery, société familiale créée en 1924, en liquidation en 1993, avaient fait appel à lui pour relancer leur entreprise. Son départ a entraîné un retour à la forme originelle de la gouvernance : de nouveau séparée de la direction générale, la présidence du conseil d'administration, où les décisions sont validées par les 12 administrateurs sociétaires, est occupée par David Perrain, 39 ans, chef de fabrication entré dans l'entreprise en 1995. Il suit de près toute l'organisation de la production, et se montre particulièrement attentif à la gestion des ressources humaines : "Il n'y a pas d'emploi non productif chez nous", prévient-il. Le prépresse et la PAO ont récemment été regroupés avec la fabrication, et une partie des magasiniers sont passés à l'atelier, "un travail plus intéressant, et une promotion qui s'est préparée avec les personnes concernées", insiste-t-il. Le président de Laballery est aussi lucide sur l'engagement que suppose cette gestion participative, où chaque salarié détient aussi une part de son outil de travail. "Notre système ne convient pas forcément à tout le monde. Et on voit très vite si un nouveau pourra s'adapter." Rien n'échappe au regard des sociétaires-actionnaires, présents partout dans l'entreprise...

Accélération

La polyvalence est d'ailleurs une des règles de Laballery : plusieurs conducteurs d'offset sont passés au numérique, ce qui n'était pas évident, connaissant les réserves des "vrais" imprimeurs à l'encontre de ce qui n'était au début que de grosses photocopieuses. Mais avec l'accélération des vitesses d'impression en numérique (200 m/minute pour la Kodak, contre moins de 100 m/minute pour la Nipson) et la réduction des calages en offset, la zone de chevauchement entre les deux technologies s'est élargie. La ligne de fabrication complète, jusqu'à la mise sous film immédiate des volumes, présente toutefois un avantage certain jusqu'à un certain seuil : "Un tirage de 1 500 exemplaires est fait en deux heures en numérique, alors qu'il faudra trois jours en offset", rappelle David Perrain, en raison des ruptures de charge et des temps morts dans la finition.

Il prévoit dans un premier temps une hausse de production de 10 % générée par la nouvelle presse. La mise en route s'est plutôt bien passée, mais ce nouveau matériel est fragile et complexe à maîtriser. D'autre part, il ne s'agira que de courts tirages, de quelques centaines d'exemplaires en moyenne : à ce rythme, la progression d'activité est plus lente qu'en offset, ou l'unité de mesure est plutôt le millier d'exemplaires. Il faudra aussi trouver les nouveaux clients, et passer à une organisation en 3 × 8, comme sur les presses KBA. L'imprimeur cherche aussi un papier adapté au jet d'encre, dont les caractéristiques ne conviennent ni au bouffant habituel, ni à l'offset. L'enjeu est important pour l'imprimeur, qui fournit plus de 80 % >du volume de papier passant dans ses presses.

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