21 août > Roman Maroc

Fouad Laroui, Marocain d’Amsterdam, Français de cœur et de culture, est un brillant conteur, qui n’hésite pas à recourir à l’humour, voire à la satire, pour faire passer un certain nombre d’idées et de valeurs auxquelles il tient : humanisme, tolérance, ouverture à l’autre. Il fait partie de ces intellectuels maghrébins nés après les indépendances, qui n’ont pas de problème avec la période coloniale et qui, tout en demeurant attachés à leurs racines, ont préféré faire leur vie en Europe, où il est plus facile de s’exprimer, de réussir. Le problème des élites brimées et bridées est l’un des plus graves actuellement au Maghreb, en Algérie surtout. Ce malaise identitaire, culturel et social est le thème principal, sous-jacent, des Tribulations du dernier Sijilmassi, qui peut se lire comme une parabole, pas forcément optimiste.

Son héros, Adam, passe donc pour le dernier des Sijilmassi, une famille prestigieuse d’Azemmour, l’antique Azama, non loin de Casablanca, dont le grand-père, Maati, était un sage soufi, un hadj qui avait fait le pèlerinage de La Mecque. Mais, depuis, la maison familiale menace ruine, laissée à la garde d’une vieille tante, et les Azemmouris n’y viennent plus écouter la voix de la sagesse. Adam vit à Casablanca, dans des conditions bourgeoises. Ingénieur à l’Office des bitumes du Tadla, apprécié de sa hiérarchie, promis à un bel avenir, il passe sa vie dans les avions, entre deux meetings. Sa Naïma, qui l’a épousé pour son argent, est une femme comblée, qui lui ménage en retour chichement son affection. Ils n’ont pas d’enfant.

Un jour, en vol, Adam craque. Il n’en peut plus. Plus qu’un banal burn-out, c’est toute sa vie qu’il remet en cause, dans son absolue vanité. Il décide de trancher dans le vif : démissionne, perd son appartement de fonction, sa belle voiture avec chauffeur. Naïma, au début, tente de le faire revenir à sa "raison", puis retourne chez sa mère. Adam quitte à son tour la grande ville pour rentrer à Azemmour, à pied, comme en pèlerinage. Sans rien expliquer, il s’installe dans la grande maison, parle à peine, se nourrit peu, lit les livres en arabe légués par son grand-père, comme Hayy ibn Yaqzan d’Ibn Tofail, un roman philosophique du XIIe siècle, et médite, en espérant qu’on l’oublie.

Las, ce retour imprévu du dernier des Sijilmassi va au contraire mettre la petite ville en effervescence. La police secrète, yeux et bras du Makhzen (l’Etat), se méfie de lui. Comme il accepte de discuter de philosophie ou de religion, un petit groupe se constitue malgré lui, tandis que les intégristes tentent de le récupérer. Tout ça se terminera en foire d’empoigne… Et Adam comprendra alors qu’il n’est pas encore parvenu au bout de son chemin. J.-C. P.

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