Dans l’avant-propos de ce document exceptionnel, l’auteur parle d’une écriture « enfantine ». C’est pourtant la maturité qui se dégage de ce journal d’une jeune fille. Helga Weissová n’a que 10 ans lorsqu’elle commence à prendre des notes dans ses carnets. L’Allemagne vient d’envahir la Tchécoslovaquie pour en faire le protectorat de Bohême-Moravie. A Prague, la législation antisémite se met en place : interdiction d’étudier, port de l’étoile jaune, confiscation des biens, etc. Helga observe et consigne. Elle possède un joli coup de crayon, lui aussi faussement naïf. « Dessine ce que tu vois », lui conseille son père. Il a bien fait. Les dix-huit dessins reproduits, la plupart en couleurs, en disent long sur le calvaire vécu par cette famille ordinaire.
« Aujourd’hui je dormirai encore dans mon lit, mais demain ? » écrit-elle le 4 décembre 1941. Demain, ce sera Auschwitz puis Mauthausen. Helga Weissová est née en 1929, la même année qu’Anne Frank. Son journal n’est pas qu’un énième document sur les camps de concentration ou la Shoah. Il nous montre la survie dans le ghetto de Terezín - à ne pas confondre avec la forteresse gérée par la Gestapo où est mort Robert Desnos - avec ses conditions épouvantables, la faim qui tenaille et la peur au ventre. Le mot « gaz » revient souvent. Il devient une évidence à l’arrivée à Auschwitz.
« Voilà donc à quoi ressemble un camp de concentration, je ne me l’imaginais pas. Il y a des gens qui vivent là-dedans depuis des années. Et nous qui nous plaignions à Terezín. Allez, c’était un vrai paradis en comparaison de ceci. » Helga raconte le travail en usine, la marche de la mort jusqu’à Mauthausen avec sa mère, qu’elle n’a jamais quittée. Elle ne retrouvera jamais son père. Son document est rare. Seulement une centaine d’enfants ont survécu sur les 15 000 déportés de Terezín à Auschwitz. Helga Weissová est aujourd’hui devenue une artiste renommée en République tchèque. Elle vit toujours à Prague, dans l’appartement de ses parents. L. L.
