L’homme ne se reconnaît comme tel que parmi les siens. Et encore ! Il lui faut pour cela batailler. La lutte pour la reconnaissance (Cerf, 2000) est au cœur du travail d’Axel Honneth. Ce philosophe et sociologue allemand fait aujourd’hui l’objet d’un tir groupé éditorial, produisant un effet de loupe bienvenu sur ce représentant de l’école de Francfort, qui s’inscrit dans la lignée de penseurs comme Horkheimer, Adorno ou Habermas.
Pour une approche synthétique et efficace de son œuvre, le Axel Honneth de Louis Carré se révèle impeccable. Le principe de reconnaissance puisé chez Hegel est par exemple très bien expliqué. L’auteur montre que cette théorie critique de la société n’est pas une abstraction, mais qu’il s’agit bien de repérer les malaises et les injustices dans la vie sociale pour lui opposer une « vie éthique démocratique ».
On en aura l’illustration dans les textes théoriques d’Axel Honneth réunis dans Un monde de déchirements. On voit bien comment ce philosophe né dans l’immédiat après-guerre - en 1949 - interroge les disciplines qui vont de la psychanalyse à la sociologie en passant par le droit. Il examine tout ce qui, dans le capitalisme contemporain, empêche les êtres humains d’accéder à la réalisation de soi en déchirant par petits bouts le tissu social.
Dans le premier volume de Ce que social veut dire - le second est annoncé pour l’année prochaine -, Axel Honneth déballe sa bibliothèque et convoque les grands anciens (Kant, Fichte...) mais aussi Merleau-Ponty, Castoriadis, Bourdieu ou Lévi-Strauss, envisagé comme un ethnologue romantique.
Le travail d’Axel Honneth sur cette société juste fondée sur le principe de reconnaissance est une invitation à ce que chacun participe à la liberté sociale pour une vie plus digne. La proposition est concrète, mais la réalité de ce qu’il a nommé La société du mépris (La Découverte, 2006), gangrenée par la loi du marché et la destruction des conditions fondamentales d’une vie sociale réussie, est bien loin de cette reconnaissance idéale.
L. L.
