20 AVRIL - JEUNESSE France

"Quelle connerie, la guerre", disait Prévert. Une vérité que Julia Billet, l'auteure de ce roman grand format, ne saurait démentir. Et encore moins son héroïne, forcée de porter un nom on ne peut plus franco-français : Catherine Colin. Jusqu'à ce jour maudit, Catherine a toujours été Rachel pour son père, sa mère et pour le reste du monde. Seulement voilà, le monde a changé et père et mère ont disparu sans laisser d'adresse pour des raisons qui demeurent mystérieuses. Avant de partir, ils ont pris soin de confier leur fille à la Maison des enfants à Sèvres. Une école pas comme les autres, où elle serait en sécurité. Et de fait, elle coule des jours heureux dans cette institution ouverte aux pédagogies nouvelles. La guerre, vue à hauteur d'enfant, n'y entre que de loin à travers les nouvelles distillées par la radio clandestine de Taupe, la cuisinière. Un camp à Drancy aurait été créé par le gouvernement de Vichy. Un mot retient l'attention de Catherine : "mâchefer". "Paraît que c'est un truc qui couvre le sol [...]. Ce mot a des sonorités barbares et je crains de trouver une signification à la hauteur de ma peur", se dit la jeune fille. Ne pas trop imaginer, tenir bon, telle est sa devise. Jusqu'au jour où elle est forcée de quitter vite, très vite la Maison des enfants. Sa situation d'enfant juive cachée est jugée trop risquée. Du jour au lendemain, le nouvel adage de Catherine devient : "Je est un autre." Elle s'endort le soir en répétant son nouveau patronyme : Catherine Colin, Catherine Colin... La moindre bévue pourrait lui coûter la vie. La voilà partie sur les routes de France, du Massif central aux Pyrénées. Quand on est chassé du paradis, mieux vaut avoir un viatique. Le mari de la directrice lui a confié son appareil photo, un Rolleiflex... Catherine sait quand il faut appuyer. Ce n'est pas le sensationnel qui l'intéresse, elle est plutôt "sensible aux poussières de la vie, à ces presque invisibles instants qui apparaissent dans les faisceaux de lumière", dit-elle. Elle capture des instants, comme celui où Hélène, sa compagne de route, soulève sa valise. "Un mouvement infime, entre tristesse pesante et force que donne la nécessité d'agir." L'art, bien plus qu'une façon de témoigner, est une façon de résister. De survivre. Tel est le message de ce roman bouleversant, fondé sur la vie de la mère de l'auteure.

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