"Jusqu'à présent, tout le monde a mis son énergie dans le fait de livrer plus vite, et personne ne s'est réllement préoccupé de la logistique des retours, car dans notre secteur, les retours sont assimilés à l'échec. Pourtant, il est possible d'en rénover une bonne partie afin de les remettre en stock. C'est bénéfique pour les finances des éditeurs et cela diminue les ventes aux soldeurs, qui interfèrent avec l'action des libraires", poursuit le P-DG.
Une remise à neuf à 0,52 € par livre
Au fil d'années de test, et main dans la main avec L'Ecole des loisirs, la SGE a développé une expertise dans la rénovation des titres défraichis, étiquettés, filmés, abîmés. L'entreprise récupère les palettes pilon du distributeur et les transporte jusqu'à sa plateforme. Une première équipe, issue d'un partenariat avec différents ESAT, effectue un tri. "Certains livres ne peuvent pas être sauvés et partent au pilon. D'autres, moins abîmés mais qui ne peuvent être rénovés, sont conditionnés en box de défraîchis, que les éditeurs peuvent vendre plus cher aux soldeurs", décrit Charles-Henry d'Ocagne. Tout le reste, près de 80% des palettes pilon, passent ensuite par la cellule rénovation de l'atelier "Livres", où des travailleurs formés poncent les tranches, chauffent les étiquettes pour les décoller, retirer les films plastiques... Une vraie remise à neuf qui coûte 0,52 € le livre, après quoi les ouvrages sont soit rendus au distributeur pour repartir dans le circuit classique, soit stockés par la SGE pour alimenter la vente directe ou le e-commerce.
La première "société à mission" du livre
Client depuis huit mois, Thibault Vandermersch, directeur des opérations d'Amphora, le premier éditeur de sport du marché, ne voit que des avantages à cette rénovation. "Certains distributeurs sont plus tâtillons que d'autres dans le tri des retours. Là, je décide des titres à rénover ou non en fonction de leur potentiel, ce qui me permet de sauver 60 à 70% de la marchandise destinée au pilon. Cela évite des réimpressions successives, et même si je n'ai pas encore chiffré le gain financier, le seul impact écologique m'a convaincu", détaille-t-il.
La SGE, qui s'est engagée dans une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et devrait devenir dans l'été la première "société à mission" du secteur du livre - une qualification introduite par la loi PACTE de 2019, et dont la finalité est de cumuler la recherche de la performance économique avec la contribution à l'intérêt général - fait valoir près de 8 millions de livres sauvés du pilon. Charles-Henry d'Ocagne, qui explique "lutter contre 30 ans d'idées reçues", espère désormais convertir les grands groupes à ce cercle vertueux de la rénovation des invendus : "Je suis persuadé qu'un petit acteur comme nous peut faire bouger les lignes dans l'industrie, car rénover, c'est à la fois rentable et écoresponsable."