21 octobre > Essai France

Ben Laden ou le mollah Omar ont beaucoup fait pour le déclin de la pilosité en Occident. A cause d’eux, un barbu est devenu synonyme de terroriste. Mais la décadence du poil était intervenue bien avant, comme le montre Xavier Mauduit dans ce petit essai vif, malin, bien informé, plein d’esprit et de jeux de mots.

Ce Bas-Normand pourrait apparaître comme un agité du bocage. Erreur ! Si la forme est tirée par les cheveux, le fond est sérieux. La bibliographie en fin de volume en témoigne. Le facétieux chroniqueur de France Inter est agrégé d’histoire et il a obtenu en 2013 le prix Mérimée pour sa thèse de doctorat sur "Le ministère du faste : la Maison du prince-président et la Maison de l’empereur (1848-1870)". La méthode n’a donc pas de secret pour lui.

De l’Antiquité à nos jours, Xavier Mauduit s’adonne à un joyeux travail d’anthropologie historique dans une conversation imaginaire avec l’empereur Julien. "Au 4e siècle, la barbe d’un empereur faisait donc polémique. En d’autres temps, elle aurait eu un succès fou. Julien, avec sa barbe en bataille, n’était pas de son époque. Il n’est pas non plus de la nôtre, où le glabre et l’épilé sont de mise dans les ministères : nos politiques ont cessé d’être poilus."

En effet, aujourd’hui le grand commis de l’Etat repousse toute villosité. Celui qui aspire au statut d’homme providentiel aussi. La preuve, Nicolas Sarkozy s’est rasé de près pour son retour. Le velu apparaît comme un obstacle à l’ascension politique. D’ailleurs, Dominique Strauss-Kahn fut barbu à ses débuts avant d’être saisi par la peau lisse.

Pourtant, la barbe fut signe de sagesse et de puissance en Mésopotamie ou dans l’Egypte des pharaons. Elle fut portée par les rois, les philosophes, les vagabonds, les vieux loups de mer et les prophètes. Le poil fut même dominateur sous la IIIe République, toutes tendances confondues, de Maurras à Jaurès. Désormais, celui qui arbore un visage couvert de poils laisserait entendre qu’il en a un dans la main. En être dépourvu inspirerait la confiance de celui qui n’a rien à cacher, qui se montre nu et transparent. Rappelons que Jérôme Cahuzac était imberbe, mais que Conchita Wurst a gagné l’Eurovision.

En fin de compte, dans la lignée des Vigarello, Corbin et Courtine, Xavier Mauduit nous fait réfléchir à sa façon sur l’évolution des représentations en politique. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire est d’avoir adopté la forme de courriels en guise de narration un peu syncopée. Cela n’en fait pas pour autant un livre rasoir. L. L.

Les dernières
actualités