Sur la route de Marseille 4/5

(La Parenthèse) Librairie : gérer la croissance

LIVRES HEBDO

(La Parenthèse) Librairie : gérer la croissance

Sur la route des 5esRencontres nationales de la librairie, le 30 juin et le 1erjuillet à Marseille,Livres Hebdos'arrête à (La Parenthèse) Librairie, à Annonay, où Pascal et Françoise Chapon, confrontés à une croissance conjoncturelle, tentent de préserver la philosophie de leur projet.

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 14.06.2019 à 16h30

Quinze ans de librairie, dont quasiment la moitié à « ramer. Il en faut de la folie pour s'accrocher », lance, narquois, Pascal Chapon. Il dirige avec son épouse Françoise (La Parenthèse) Librairie à Annonay, dans le nord de l'Ardèche. Alors depuis que la mayonnaise commence enfin à monter, les deux libraires ne boudent pas leur plaisir et savourent avec gourmandise la croissance de leur flux client et celle de leur chiffre d'affaires, établi en 2018 à 407 872 euros alors qu'il oscillait depuis de longues années aux alentours des 370 000 euros. Portés par leur élan, ils estiment même pouvoir atteindre d'ici à 2020 le cap des 500 000 euros.

Pascal et Françoise Chapon devant leur librairie, à Annonay.- Photo CÉCILE CHARONNAT/LH

Ne pas grossir trop vite

Salutaire, récompensant plus de quinze ans de ténacité et d'investissements, ce succès n'en constitue pas moins un virage délicat à négocier pour Pascal et Françoise Chapon. « Nous sommes heureux de voir les gens affluer , mais si nous grossissons trop, et surtout trop vite, nous risquons d'entretenir des relations plus commerciales et moins personnelles avec nos clients », redoutent les libraires, qui reconnaissent « courir partout » simplement pour assurer les tâches quotidiennes. Or, le projet de (La Parenthèse) Librairie, et sa notoriété, reposent sur ce rapport particulier au client que le couple a instauré dès le départ.

S'ils s'appuient évidemment sur leur personnalité, attachante et bardée d'humour, et celle de leurs libraires, toutes recrutées à leur image, l'aménagement du lieu et ce qui s'en dégage y jouent également un rôle prépondérant. Lorsqu'ils reprennent La Bouquinerie, en 2004, une librairie principalement scolaire à l'image vieillotte et très mal située dans la ville, le couple décide d'engager des travaux de rénovation et d'agrandissement avant même la signature finale. L'objectif : faire de ce magasin sombre et peu circulant un espace « le plus agréable possible pour le client. J'ai toujours voulu une librairie gaie, vivante, où les gens s'offrent une parenthèse tout en se sentant chez eux, où les enfants entrent en courant et où les parents se rencontrent », précise Françoise Chapon, qui implante en outre un rayon jeunesse dans ce qui faisait office d'arrière-boutique.

Orientée client

Six ans plus tard, alors qu'Amazon commence à tailler des croupières aux libraires et que leur concurrent direct, La Hulotte, se concentre sur le marché des collectivités, les deux libraires confirment leur démarche orientée client en transformant le petit appartement attenant à la librairie en une pièce supplémentaire baignée de lumière naturelle et très aérée. « L'objectif reste toujours le même : comment inciter les gens à sortir de chez eux et à trouver le chemin de notre magasin. Littéralement. Et pour nous, cela passe avant tout par le lieu », plaide le couple.

Dans ce nouvel espace, qui leur permet de presque doubler leur surface de vente, ils installent du mobilier fabriqué sur mesure qui privilégie l'horizontalité et la disposition à plat, notamment pour les bandes dessinées, et une poignée de fauteuils invitant leurs clients à prendre leur temps. « Il nous arrivait souvent de discuter avec eux autour d'un thé ou d'un café, ce qui nous a permis de tisser des relations singulières et de pouvoir mieux les connaître », se félicite Pascal Chapon. Peu orthodoxe, la méthode les a conduits à développer naturellement une palette de services et d'attentions très personnalisés, comme la mise de côté de nouveautés pour certains clients, avertis du geste par mail. Une démarche très appréciée, notamment par les lecteurs de manga, un rayon qui a enregistré une très grosse progression et que Pascal Chapon évoquera lors d'un atelier aux 5es Rencontres nationales de la librairie.

Mais conscients que la croissance risquait de dénaturer leur stratégie, Françoise et Pascal Chapon ont anticipé. En juin 2018, ils embauchent un quatrième libraire, leur fils Pierre, qui les avait déjà secondés à Noël. Forts de ces bras supplémentaires, ils se lancent dans une opération de communication d'envergure à Annonay. « En 2004, lorsque nous avons repris, nous avons eu le tort de ne pas le faire savoir,déplore Pascal Chapon.Là, alors que La Hulotte menaçait sérieusement de fermer ses portes, nous avons décidé de communiquer sur le fait qu'il existait une autre librairie indépendante dans la ville. » Pendant quinze jours, le couple investit dans quinze panneaux publicitaires en misant, encore une fois, sur l'humour et le décalage. La campagne a été un « vrai succès,annoncent les libraires.Comme nos vidéos, cela a donné de nous une image dynamique. C'est important pour nos clients, mais aussi pour la profession », estime Pascal Chapon. Depuis un peu plus de cinq ans, la production et la mise en ligne sur les réseaux sociaux de courts films les mettant en scène, que ce soit pour vanter des coups de cœur, annoncer des événements comme le passage dans «La grande librairie», lancer un recrutement ou simplement s'amuser, a effectivement conduit (La Parenthèse) Librairie à « émerger dans le radar des éditeurs parisiens », notent les libraires. Ils espèrent d'ailleurs que leur vidéo annonçant les RNL parvienne jusqu'aux yeux du Syndicat de la librairie française, et qu'elle soit diffusée à Marseille.

(La Parenthèse) Librairie, en chiffres

130 m2 de surface de vente

407 872 € de chiffre d'affaires

12 000 références

4 libraires

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