Stratégie

La librairie s'ouvre au coworking

La Petite marchande d'histoires, à Uzerche (Corrèze), accueille quotidiennement des groupes qui ont besoin de lieux de rencontre. - Photo DR/LA PETITE MARCHANDE D'HISTOIRE

La librairie s'ouvre au coworking

Creusant le concept de tiers-lieu développé en bibliothèque et dans les librairies-cafés, plusieurs libraires testent des offres de partage d'espace et de coworking dans lesquelles ils voient un levier de développement encore ignoré.

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Par Cécile Charonnat
Créé le 29.11.2019 à 12h22

Café-librairies, librairies-tartineries, salons de coiffure-librairies ou encore librairies « social club » comme chez Caractères à Mont-de-Marsan, Grand prix Livres Hebdo des librairies 2019. Depuis près de dix ans, le modèle économique des librairies françaises n'en finit pas de se réinventer dans l'idée d'en faire, à l'image des bibliothèques, des tiers-lieux entre domicile et travail. Pour se différencier d'une concurrence dématérialisée ultra-performante commercialement, de nombreux libraires misent sur la valorisation de leurs espaces et sur des activités et des services complémentaires soulignant leur dimension sociale.

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Lieux alternatifs

La multiplication des animations participe de cette stratégie tout en rendant tangible l'adage qui veut que la librairie ne soit « pas un commerce comme les autres ».« On n'entre pas dans une librairie comme dans une autre boutique, rappelle Baptiste Gros, propriétaire de La Colline aux livres, à Bergerac. Nous sommes identifiés comme des lieux alternatifs, à cheval sur le commerce, le social et le culturel et finalement assez proches de ce que sont aujourd'hui les tiers-lieux. » Certains libraires poussent le concept plus loin en se lançant dans des activités de partage  d'espaces et de coworking. La Petite marchande d'histoires, à Uzerche (Corrèze), ou Thuard, au Mans, le font de manière informelle et gratuite en accueillant quotidiennement des rendez-vous d'assistantes sociales comme des étudiants ou des enseignants délivfrant un cours particulier. D'autres élaborent des formules plus structurées.

A Aixe-sur-Vienne (Haute-Vienne), Claire Jacquemin, persuadée que la librairie reste une activité pertinente pour redynamiser les centres-villes, a transformé son café-librairie Le Temps de vivre en tiers-lieu. La mutation, intervenue en 2016, a notamment permis d'insérer une activité de location et de partage d'espaces. Dans les étages supérieurs du bâtiment qui abrite la librairie, cinq salles de 16 à 55 m2 lui permettent de proposer un bureau dans un espace partagé ou l'usage d'une pièce en exclusivité. Une véranda avec un accès à une terrasse, un jardin et une cuisine, complètent le dispositif. Les réservations sont gérées grâce à un agenda en ligne. Les tarifs de location, variant suivant le temps d'occupation, oscillent de 4 euros de l'heure jusqu'à des forfaits d'abonnement mensuels à 150 euros pour un poste de travail (bureau et casier de rangement). Claire Jacquemin accueille aussi bien des professionnels qui viennent pratiquer leur activité ou y délivrer des formations, que des particuliers ou des associations organisatrices de concerts, d'expositions, d'ateliers tricots ou de cours de yoga. « Le lieu est ouvert à tous les citoyens qui souhaitent s'en emparer, ce qui permet de recevoir beaucoup de cercles différents qui s'y investissent aussi de manière différente », observe la libraire.

Un quart du CA

Chronophage, l'activité génère tout de même un quart du chiffre d'affaires du Temps de vivre, établi autour de 100 000 euros. Elle permet aussi à Claire Jacquemin de rechercher des fonds en dehors des circuits traditionnels de la sphère du livre. Elle bénéficie par exemple de subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et de la caisse d'allocations familiales (Caf), sa librairie-café-tiers-lieu étant « reconnue comme un espace de vie sociale », précise la libraire. « Cette formule, et plus largement le concept de tiers-lieu, représente une des pistes à suivre pour penser l'avenir de la librairie. Levier pour négocier d'autres subventions et/ou un loyer modéré en raison de sa dimension sociale, elle ouvre des perspectives pour s'implanter dans des zones où une librairie classique ne pourrait pas tenir économiquement », estime également Baptiste Gros, qui réfléchit dans ce sens sur l'utilisation de 100 m2 dont il dispose en sous-sol.

« Indubitablement le partage d'espace constitue un levier de développement, confirme Christel Rafstedt, fondatrice du Livre dans la théière à Rocheservière (Vendée), qui ouvrira début 2020 un espace partagé avec une spécialiste de la pédagogie positive. C'est une solution pour rentabiliser nos lieux et les ouvrir à des publics qui en sont éloignés grâce à des activités qui ne sont plus liées directement au livre. Il est temps que nous, libraires, nous rendions compte que nous ne possédons pas qu'un chiffre d'affaires, mais bien d'autres autres éléments à valoriser, et au premier rang nos espaces », martèle-t-elle. Attenant à la librairie, le nouvel espace proposera notamment des activités mariant lecture et apprentissage et, pourquoi pas, une offre de coworking et de formation.

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