Aux beaux jours, les festivals culturels se multiplient : musique, théâtre, cinéma… Le public a l’embarras du choix. Parmi ces innombrables festivités, le livre n’est pas en reste. De l’île de Ré aux plages de La Baule en passant par les Alpes, une vingtaine de festivals et salons se tiendront entre le début de juillet et la fin d’août. Littérature générale, sciences humaines, poésie, tous les domaines de la production littéraire sont représentés. Livres Hebdo passe en revue quelques-unes de ces festivités. Avec des festivals répartis un peu partout sur le territoire (mais plutôt au sud), les amoureux du livre auront l’embarras du choix.
En juillet, plage et poésie
Le Festival de la correspondance, à Grignan, ouvrira le bal le 1er juillet, avec, au programme, rencontres le matin et lectures épistolaires le soir par Gérard Desarthe, Alexie Ribes ou encore Davy Sardou. Des séances de signatures seront assurées par deux libraires indépendants.
Juillet sera le mois de la poésie, avec deux manifestations de haute tenue : Voix de la Méditerranée et Voix vives. Installé à Lodève, Voix de la Méditerranée est l’un des plus anciens festivals de poésie de France. Plus d’une quarantaine de poètes sont invités dans cette manifestation vécue les pieds dans l’eau, qui traite la poésie "comme une matière vivante" en la croisant avec d’autres formes artistiques, selon le directeur du festival, Franck Loyat. Entre 60 et 80 éditeurs seront représentés. "On travaille beaucoup sur la synergie entre les maisons d’édition et le festival, et on est très à l’écoute de l’actualité des auteurs, explique Franck Loyat. Cette connivence ne peut avoir que des effets bénéfiques pour tout le monde."
A quelques kilomètres de là, à Sète, le festival Voix vives invite des poètes du monde entier, avec pour objectif de mêler plumes émergentes et grands noms, parmi lesquels Nouri al-Jarrah, Manuel Vilas, Salah Stétié, Vénus Khoury-Ghata et Daniel Maximin. "Tous les invités sont là pour toute la période. Ce vivre-ensemble crée quelque chose qui va au-delà de ce que nous avons programmé", se réjouit un membre du comité d’administration contacté par Livres Hebdo.
Dans la même période, à La Baule, se tiendra le festival Ecrivains en bord de mer, qui réunira des auteurs, français comme étrangers (Valérie Mréjen, Emmanuel Adely, Joy Sorman, Hélène Gaudy, Morten Søndergaard…) et des acteurs du livre (l’éditrice Christine Morault chez Memo). Cette année, le festival met la Chine à l’honneur, en invitant notamment Chantal Pelletier, dont le livre Cinq femmes chinoises sort en poche chez Gallimard en octobre prochain, et Celia Levi, auteure de Dix yuans un kilo de concombres, paru en janvier dernier chez Tristram. Bernard Martin, le fondateur, défend cette manifestation à la fois pointue et grand public qui a réussi à s’ancrer dans le paysage local : "Quelque chose s’est créé au fil des années, un climat de confiance que les gens viennent chercher."
Le mois d’août s’ouvre traditionnellement par Le Banquet du livre, manifestation à la programmation aussi exigeante qu’éclectique. Ni colloque universitaire, ni vraiment salon littéraire, ce festival de la pensée critique "convie les invités et le public à se risquer à une réflexion hors des sentiers battus", selon le directeur de la Maison du Banquet, Dominique Bondu. Il revendique près de 15 000 visiteurs au total, qui affluent dans la petite ville de Lagrasse (Aude) pendant les huit jours que dure la manifestation. "L’enjeu, affirme Dominique Bondu, est le même que pour l’accès à une librairie : ça apparaît comme un temple inaccessible. Il faut donc faire tomber les barrières, donner un côté non intimidant au festival." Les auteurs Maylis de Kerangal et Mathieu Riboulet, entre autres convives, témoigneront de cette volonté d’ouverture.
Entre montagne et forêts
La première quinzaine d’août se déroulera entre sable et montagne. Le festival L’Ile aux livres, sur l’île de Ré, sera l’un des rendez-vous les plus courus du mois, avec des têtes d’affiche très médiatisées (Lola Lafon, Edouard Louis, Jean-Louis Debré, ou encore Patrick Poivre d’Arvor, parrain de l’événement) et une affluence annuelle que Joschi Guitton, l’un des deux directeurs de l’événement, évalue à "12 000 visiteurs". Les éditions Bordessoule, Kailash et leurs auteurs, seront également présents. Depuis un an, le festival décerne aussi un prix littéraire, le prix de L’Ile aux livres, destiné à promouvoir un écrivain émergent.
Du côté des sommets, le Salon du livre de montagne, qui se tient depuis vingt-quatre ans à Passy (non loin de Chamonix), se fait la spécialité de présenter au public la littérature de montagne. Concours de création et rencontres avec des écrivains-alpinistes comme Jean-Marie Choffat sont prévus. Autre point fort, un important fonds de livres anciens, qui fait la réputation du salon. "De nombreux exposants comme la librairie suisse des Cimes viennent au salon pour renouveler leur fonds", détaille Joëlle Chappaz, fondatrice du festival. Dans le programme, une après-midi est spécialement consacrée à ces raretés qui attirent collectionneurs et libraires spécialisés.
Ciel nocturne
Place aux forêts. Dans la deuxième moitié de juillet, au Chambon-sur-Lignon, se tiendra la 23e édition des Lectures sous l’arbre. Le thème de cette année étant le Japon, l’éditeur Philippe Picquier sera présent pour une présentation de son fonds. Outre un programme fait de lectures en extérieur et de rencontres, l’espace librairie tient une place non négligeable dans la manifestation. Jean-François Manier, fondateur des éditions Cheyne et directeur artistique des Lectures sous l’arbre : "Le livre n’est pas un supplément, il est au cœur de la programmation. Quand les gens rentrent, ils trouvent tout de suite le livre dont on parle dans les débats et les animations." Les librairies locales Tison et L’Arbre vagabond sont associées à l’événement.
Les Rencontres d’Aubrac offrent la même place centrale au livre, avec une librairie tenue par La Maison du livre à Rodez. "On s’inscrit vraiment dans la chaîne du livre", indique le directeur Francis Cransac, qui décrit un festival "littéraire, mais ouvert sur d’autres disciplines", conviant auteurs, poètes et scientifiques. Le thème de l’année, "Imaginaire du ciel étoilé", donnera lieu à des lectures de textes de Jean Giono par Mireille Sacotte, Sylvie Giono ou le comédien Matthieu Dessertine. Au programme également, des concerts tous les soirs durant l’événement, et une observation nocturne du ciel.
"Woodstock"
Last but not least, la saison estivale se terminera dans le fief de Balzac, la Touraine, avec La Forêt des livres, qui rassemble plus de 200 écrivains. Au fil des années, la manifestation s’est constituée comme une sorte de rentrée littéraire par anticipation, "un moment important de la littérature qui ne se déroule pas à Saint-Germain-des-Prés", ironise l’écrivain Gonzague Saint Bris, qui a créé l’événement il y a dix-neuf ans. Un colloque inaugural le soir est suivi d’une journée de festivités (colloques, allée des bouquinistes, atelier d’écriture, café littéraire en plein air) qui draine chaque année près de 60 000 visiteurs. Tout le parc aux alentours du site ainsi que le village de Chanceaux-près-Loches sont consacrés à la vente de livres. Un véritable "Woodstock de la littérature", selon les mots de son fondateur, qui termine en beauté cet été du livre.
De Grignan le 1er juillet à Chanceaux-près-Loches le 31 août
Les têtes derrière les fêtes
Qui sont les organisateurs des salons littéraires de l’été ? Des éditeurs, libraires, professeurs, amateurs passionnés de livres, ou tout cela à la fois. Typologie des porteurs de ces festivals.
Installés pour la plupart depuis plus d’une quinzaine d’années, les salons littéraires de l’été sont bien connus du public et des invités. Les personnes qui les ont fondés, moins. Et, ce n’est pas une surprise, ces initiateurs viennent en grande majorité du secteur du livre. De l’édition, tout d’abord : Jean-François Manier, des Lectures sous l’arbre, a fondé les éditions Cheyne et dirige également la librairie L’Arbre vagabond, au Chambon-sur-Lignon. Dominique Bondu, du Banquet du livre, est sociologue et a collaboré aux éditions Verdier. Il a également dirigé le centre régional du livre de Franche-Comté de 2002 à 2011. Bernard Martin, fondateur du festival Ecrivains en bord de mer, a cofondé avec son épouse les éditions Joca Seria, consacrées à l’art et à la littérature, tandis que Joschi Guitton, de L’Ile aux livres, est responsable des droits étrangers aux éditions Sabine Wespieser. Gonzague Saint Bris, de La Forêt des livres, est journaliste et l’auteur bien connu de nombreuses biographies de personnages historiques et littéraires.
Mais tous les organisateurs ne sont pas directement issus de l’édition. Certains viennent du milieu plus large de la culture, comme Maïthé Vallès-Bled, directrice de Voix vives à Sète. Directrice du musée Paul-Valéry, elle est également la fondatrice du festival de poésie Voix de la Méditerranée à Lodève, qu’elle lance et dirige de 1999 à 2009. Le festival a depuis été repris par Franck Loyat, fils d’enseignant et professionnel du spectacle vivant.
Quant au Festival de la correspondance, il a été fondé et est présidé par le maire de Grignan, Bruno Durieux. La directrice artistique, Anne Rotenberg, est metteuse en scène et femme de théâtre, et a travaillé au sein de plusieurs institutions culturelles (SACD, Festival d’Avignon…).
Le livre est donc promu bien au-delà du triumvirat éditeurs-libraires-bibliothécaires. Sans oublier que les équipes d’organisation de ces manifestations, toutes sans exception, sont aidées par de nombreux bénévoles.