Chine

La Foire du livre de Pékin cherche à élargir son public

Le hall jeunesse a été l'un des plus fréquentés à la 23e Foire internationale du livre de Pékin, du 24 au 28 août. - Photo F.Piault/LH

La Foire du livre de Pékin cherche à élargir son public

Du 24 au 28 août, la 23e Foire internationale du livre de Pékin s'est ouverte plus largement au grand public. Mais les quelque 25 éditeurs et agents représentants l'édition française y ont constaté un dynamisme persistant des échanges professionnels et des ventes de droits, avec une plus grande ouverture de leurs homologues chinois aux sciences humaines et à la bande dessinée adulte.

J’achète l’article 1.5 €

Par Fabrice Piault, Pékin
Créé le 28.08.2016 à 14h39 ,
Mis à jour le 29.08.2016 à 11h30

Traditionnellement ouverte au public uniquement le week-end, et concentrée les jours précédents sur les échanges professionnels, la Foire internationale du livre de Pékin (Beijing International Book Fair – BIBF) a ouvert largement ses portes dès son premier jour lors de sa 23e édition, du 24 au 28 août.

Si la localisation de la manifestation, depuis cinq ans dans un centre de foires proche de l'aéroport, très éloigné du cœur de la capitale chinoise, ne facilite pas la participation des Pékinois, quelques milliers d'entre eux, dont beaucoup de parents avec leurs enfants, ont fait chaque jour le déplacement. Ils ont surtout fréquenté le hall jeunesse, spécialement aménagé par les organisateurs pour la deuxième année consécutive afin de contrer le développement de la China Children Book Fair (CCBF, organisée depuis 2013 à Shanghaï par Reed China et les autorités de la ville), ainsi que les animations de l'espace cuisine conçu par Gourmand International, la société du Français Edouard Cointreau, organisatrice au niveau mondial des prix du livre de cuisine "Gourmand Awards".

Professionnels et grand public se sont côtoyés à la BIBF 2016. - F.PIAULT/LH

Cette nouvelle orientation de la BIBF, qui se traduit aussi par de efforts de mise en valeur du 14e Festival du livre de Pékin, auquel participent des auteurs au sein de la manifestation, n'a pas entamé le noyau professionnel de son activité. Avec quelque 25 éditeurs et agents de l'édition française affichant des carnets de rendez-vous bourrés à bloc, contre 15 à 20 les années précédentes, le stand du Bureau international de l'édition française (Bief) a une nouvelle fois débordé d'activité sur ses 90 m2. Auzou disposait une nouvelle fois de son propre stand, une démarche également adoptée cette année par les éditions Fei.

Si l'ambiance du stand collectif a été un peu assombrie, jeudi, par le retrait de trois titres exposés à la demande de la censure chinoise, l'ensemble des éditeurs et agents présents, dont une majorité d'habitués tels Evelyne Le Bourse (Larousse), Sally Mak (Casterman), Florence Giry (Flammarion), Anne Risaliti (Hatier, Didier), Anne Desramé (Fleurus), Christian Vosges (L'Elan vert) ou les agentes Denise Lu (Diva International) et Solène Demigneux (Dakai), tirent un bilan très positif de la manifestation. "Etant donné la densité des rendez-vous, nous devrions disposer d'un stand plus grand", plaide même May Yang, la responsable export et droits étrangers d'Eyrolles, qui vient de longue date régulièrement, tous les trois ans, à Pékin.

Venue pour la première fois, "encouragée par des collègues dans le secteur des sciences humaines", Rebecca Byers, se dit "impressionnée". "Il y a de l'enthousiasme dans beaucoup de foires, poursuit la directrice des droits de Perrin. Mais ici, je sens qu'il peut vraiment être suivie d'effets et, même si je travaille déjà avec l'agence Dakai, mon déplacement fait une différence en permettant d'aller plus dans le détail.

Le stand français, établi sur 90 m2 par le Bief, n'a pas désempli pendant toute la foire de Pékin - F.PIAULT/LH

Tendance 2016 : l'élargissement des centres d'intérêt des éditeurs chinois. Il est le produit de la légère augmentation des prix de vente publics des livres et, surtout, de l'explosion de la classe moyenne, en demande d'ouvrages plus haut de gamme. Chez Eyrolles, May Yang constate un regain d'intérêt pour les ouvrages techniques, notamment ceux qui concernent les nouvelles technologies. Après des titres sur les drones au début de l'année, "nous avons vendu tous nos livres professionnels de photographie", se réjouit-elle, précisant qu'"ils décollent tout d'un coup alors que cela faisait cinq ans que j'essayais vainement de les placer". Le parenting est également en expansion.

En sciences humaines, "la fréquence et la qualité des contrats s'est améliorée, observe la directrice des droits, Carole Saudejaud. Ma dernière visite, il y a deux ans, a débouché sur 18 contrats. Venir ici régulièrement permet de multiplier les relations directes, que nous complétons par un travail ponctuel avec l'agente Denis Lu". En jeunesse, Anne Risaliti, responsable des droits d'Hatier et Didier constate "un nouvel intérêt pour les livres-CD avec de la musique. Même ceux destinés aux tout-petits fonctionnent, car les Chinois font traduire les chansons", se félicite-t-elle.

Parallèlement, "la bande dessinée adulte commence à se vendre en Chine", remarque Alessandro Munari, responsable des droits chez Glénat, venu pour la première fois à Pékin car, en 18 mois, il a déjà signé 15 contrats avec l'atelier privé Postwave, qui "fait des choix audacieux" comme Tout seul, de Chabouté (4000 exemplaires vendus en Chine), la série Il était une fois en France ou les œuvres de Philippe Druillet. Postwave a par ailleurs acquis auprès des Humanoïdes associés 10 titres de Mœbius.

Responsable des droits du groupe Delcourt, Séverine Aupert est également présente pour la première fois car, si l'éditeur de bande dessinée vend de longue date ses BD jeunesse adaptées de classiques de la littérature pour enfants, "je sens un frémissement global, explique-t-elle. Désormais, tout se vend, et notamment la quintessence de ce qui fait la bande dessinée adulte franco-belge ainsi que les livres illustrés de Soleil. Cela vaut le coup de travailler nos catalogues dans leur diversité, et donc de venir."

Pour Dong Yan, directrice générale de Dargaud China, "le nouveau développement de la librairie indépendante, avec des librairies-cafés modernes, contribue aussi à susciter plus d'intérêt pour la bande dessinée, surtout la "nouvelle BD" : romans graphiques, biopics tels Jeune fille en Dior, d'Annie Goetzinger (5000 exemplaires vendus en Chine), ou Pablo, de Clément Oubrerie et Julie Birmant".

Installé à Shanghai depuis 2014, ce bureau de Média Participations, développe aussi bien, avec 5 personnes, les cessions de droits papier et audiovisuelles et les achats de droits d'œuvres chinoises pour les marques du groupe Urban China et Little Urban. Son plus grand succès en BD adulte : les trois premiers tomes de Blacksad, vendus à 50 000 exemplaires. "Ce succès a donné confiance aux éditeurs chinois pour développer la BD adulte", estime Dong Yang, qui mise sur la sortie en juillet 2017 en Chine de l'adaptation par Luc Besson de Valérian et Laureline, une coproduction franco-chinoise (Europacorp/Fundamental) pour lancer la série de Christin et Mézières dont les 7 volumes de l'intégrale ont été vendus à Postwave pour une sortie à partir du printemps prochain.

Les dernières
actualités