Si la crise économique pèse sur tous les éditeurs d'économie et de gestion, elle constitue aussi pour eux une bonne opportunité de séduire un grand public avide d'ouvrages offrant une grille de lecture d'un monde en mutation. "Sur les essais d'économie, la demande ne faiblit pas", constate Alexis, responsable du rayon éco-gestion à la Fnac de Rouen. Les nouveautés des auteurs connus sont particulièrement demandées : Homo economicus de Daniel Cohen (Albin Michel), Le prix de l'inégalité de Joseph Stiglitz (Les Liens qui libèrent), ou encore Sortez-nous de cette crise... maintenant ! de Paul Krugman (Flammarion) connaissent tous trois de bons démarrages. Réveillez-vous ! de Nicolas Baverez (Fayard) et Le déni français de Sophie Pedder (Lattès) se signalent également sur les tables des libraires.
"Nous avons eu deux best-sellers en 2012 : Changer d'économie ! des Economistes atterrés, et le livre de Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle,qui a atteint les 30 000 ventes, se félicite Henri Trubert, le cofondateur des Liens qui libèrent (LLL). Ce sont deux livres moteurs cette année, et nous espérons un aussi bon succès pour le dernier Stiglitz, qui vient de sortir et qui est demandé partout." Chez Eyrolles, qui a beaucoup développé les livres d'actualité à l'occasion de l'élection présidentielle, la directrice éditoriale Claudine Dartyge observe un réel intérêt du public pour les thématiques économiques. Avec la collection "On entend dire que...", réalisée en association avec Les Echos, l'éditeur a répondu à cet engouement par des titres consacrés à la fiscalité, l'immigration ou encore le pouvoir d'achat. Plus analytique, La Chine, une bombe à retardement s'approche des 5 000 exemplaires vendus depuis sa sortie en mai. "C'est assez rare pour un livre d'actualité économique", souligne Claudine Dartyge.
VERS LE GRAND PUBLIC
Les éditeurs spécialisés comme Dunod ne s'interdisent pas non plus de cibler ponctuellement le grand public, avec, par exemple, Quel avenir pour le capitalisme ? en 2011, ou les ouvrages de Mark Tungate : Le monde de la beauté, paru en mars 2012, après Le monde de la mode et Le monde de la pub. "Ce qui est remarquable, c'est que même les livres du fonds continuent de trouver leur public", constate Henri Trubert, chez LLL. Les Liens qui libèrent écoulent encore chaque jour une cinquantaine d'exemplaires du Manifeste d'économistes atterrés, vendu à 90 000 unités depuis sa parution fin 2010. En deux ans, le livre de René Passet, Les grandes représentations du monde et de l'économie à travers l'histoire, toujours chez LLL, a quant à lui dépassé les 7 500 unités.
Les éditeurs continuent donc logiquement d'enrichir leur offre. "Nous allons publier début 2013 L'économie du bien et du mal, du jeune économiste tchèque Tomá? Sedlácek, annonce Claudine Dartyge, chez Eyrolles. Nous comptons beaucoup sur cet ouvrage, traduit à partir de la version anglaise et qui a très bien marché aux Etats-Unis." Début octobre, Les Liens qui libèrent ont de leur côté tiré à 6 000 exemplaires Bon pour la casse de Serge Latouche. "L'auteur explique comment les industriels trouvent le moyen de proposer des produits comportant des déficiences. Aujourd'hui tout le monde est capable de fabriquer des machines à laver qui durent un siècle, mais on ne le fait pas car ce serait commercialement une catastrophe", dénonce Henri Trubert. En novembre, LLL proposera également Un million de révolutions tranquilles de Bénédicte Manier. Toujours à destination du grand public, Economica publie fin octobre Les champions cachés du XXIe siècle, d'Hermann Simon et Stephan Guinchard. Traduit de l'allemand, l'ouvrage aborde le sujet des entreprises qui réalisent 70 % de leur chiffre d'affaires à l'étranger et entretiennent une certaine culture du secret.