21 août > roman France

A la rentrée, parions que le deuxième roman de François Roux va figurer aux avant-postes. Remarqué chez Melville en 2010 avec La mélancolie des loups, celui-ci débarque chez Albin Michel avec le vaste et réussi Bonheur national brut. Un page turner parfaitement mené qui nous replonge d’abord en mai 1981. Dans une France coupée en deux lorsque François Mitterrand est élu président de la République.

Les héros de Roux sont au nombre de quatre. Tous viennent de la région de Brest. Fils d’un notable coincé, Paul Savidan est un élève moyen qui prépare le baccalauréat. Le narrateur du Bonheur national brut sait qu’il est homosexuel depuis qu’il est tombé amoureux d’Erwann le Dantec en quatrième, mais n’en a parlé à personne. Autour de lui, on trouve Rodolphe Lescuyer, brillant fils de communiste qui a intégré de la Fédération locale des Jeunes Socialistes et qui soutient Michel Rocard. Grand échalas de droite, délégué de classe et capitaine de l’équipe de ping-pong, Tanguy Caron est un "boulimique de l’action". Quant au dernier, Benoît Messayer, un passionné de photo, son mot préféré est "cool". Les quatre amis évoluent dans une époque où Hervé Claude présente le journal de 20 heures d’Antenne 2, où l’on écoute Face value de Phil Collins et For those about to rock (We salute you) d’AC/DC. Après l’été, les vacances en Grèce, tous prennent des chemins différents.

Comme Paul ne sait pas ce qu’il veut faire, son père l’expédie à Paris préparer la première année du concours de médecine. Tanguy et Rodolphe partent à Rennes à la faculté, et Benoît remplace le correspondant local de Ouest France. Le lecteur les accompagne pas à pas. A Pantin, où Paul pleure en écoutant un concert de Barbara et trouve du réconfort dans les bras d’un fils de famille que sa mère vouvoie. Dans un amphi, où Rodolphe est épaté par la verve d’un certain Jean-François Cambadélis, alors président de l’Unef-ID.

Fasciné par Bernard Tapie, Tanguy semble, quant à lui, persuadé qu’abaisser l’âge de la retraite à 60 ans et le temps de travail à 39 heures est une erreur, qu’on s’en mordra les doigts tôt ou tard… La deuxième partie du roman nous fait basculer en 2009. Quand Tanguy est désormais directeur général d’une boîte de parfum, Benoît un photographe renommé, Rodolphe un député socialiste râleur, et Paul un comédien qui peine à trouver sa place.

Avec une belle maîtrise et un allant évident, François Roux montre à la fois les mouvements de société et d’époque, et les révolutions personnelles de ses protagonistes aussi incarnés les uns que les autres. Difficile de ne pas avoir envie de suivre leurs réussites et leurs échecs. Les sentiments qu’ils dévoilent, taisent et conservent au fil des années.

Al. F.

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