Le livre, publié par Flammarion en 1956, s’intitule Dans les coulisses de la haute couture parisienne. Sous-titré Souvenirs d’un mannequin-vedette, il est signé Freddy. Qui se souvient de Freddy, mais aussi de Praline, Bettina, Lucky ou Patricia, vestales hiératiques et sublimes d’un rite dont les grands officiants se nommaient alors Christian Dior, Jacques Fath, Pierre Balmain ou Germaine Lecomte ? Dans un pays qui s’étourdissait de beauté pour oublier la laideur des temps, Paris redevenait une fête dont les mannequins étaient les reines, jusqu’au bout de la nuit ou jusqu’à ce que mariage s’ensuive… Fille d’un ambassadeur et grand résistant, émancipée dès l’adolescence, Freddy avait tout essayé. Le mariage donc, le divorce, les interminables séances de pose, le temps suspendu d’une vie de jet-lag, Biarritz ou Rio de Janeiro comme grande banlieue des Champs-Elysées. Elle avait essayé aussi la double vie du Carroll’s, un cabaret lesbien (sans exclusive) rue de Ponthieu, qu’elle dirigeait sous le nom de Frédé. Essayé encore l’amitié de Marlene Dietrich, qui fut son premier pygmalion parisien, ou l’amour à mi-voix pour deux petits garçons laissés à sa charge par une mère comédienne, qui s’appelaient Rudy et Patrick.
Cette vie, aujourd’hui enfouie dans les limbes de la mémoire de quelques-uns, Aude Lechrist nous la restitue en un roman, Une allure impeccable, où vérités et mensonges se font la courte échelle. Au-delà de cette Marie-Josée réinventée en Freddy ou Frédé, il y est surtout question de l’innocence d’un monde. L’auteure a le bon goût de ne pas s’embarrasser outre-mesure de toute psychologie, mais s’attache surtout à restituer un climat, une ambiance, un style. Toutes choses disparues avec le souvenir de Freddy. O. M.
