Avant-Critique Roman

Joseph Incardona, "Les corps solides" (Finitude) : Contre mauvaise fortune, bon cœur

Portrait de Joseph Incardona, Paris, 10 octobre 2019 - Photo © Sandrine Cellard

Joseph Incardona, "Les corps solides" (Finitude) : Contre mauvaise fortune, bon cœur

Avec Les corps solides, Joseph Incardona offre un puissant plaidoyer, à la fois féministe et enténébré de colère, pour les exilés du bonheur.

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Par Olivier Mony
Créé le 12.07.2022 à 11h00

Il est de coutume de prétendre que l'on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. Est-ce si sûr ? La lecture de l'œuvre de Joseph Incardona, ce Suisse qui connaît notre pays mieux que personne, et singulièrement de son nouveau roman (le cinquième publié à l'enseigne des éditions Finitude), Les corps solides, permet d'en douter. En ces pages comme illustrant le propos de Jean Renoir selon lequel « sur cette terre il y a une chose effroyable, c'est que tout le monde a ses raisons », réside une force peu commune, celle de l'humanité profonde du romancier genevois. Point n'est besoin chez lui d'en rajouter dans la noirceur et il n'oublie pas que celle-ci rime également avec douceur...

Reprenons. Anna, héroïne héroïque à plus d'un titre et mère courage en toutes circonstances adverses, est une femme entre deux âges, entre sa jeunesse enfuie trop vite et le temps trop rapidement venu des renonciations. Veuve, elle vit sa vie quelque part près de la côte Atlantique (le lieu ne sera jamais nommément cité, mais il n'est pas interdit d'y reconnaître les plages du Médoc) et se consacre à l'éducation de son fils de 13 ans, Léo. Leur présent est incertain dans le mobile home familial, rythmé par des rêves de surf et de voyages et par la vente de poulets rôtis sur les marchés du coin, qui leur assure une maigre pitance. Mais un accident prive Anna de son camion-rôtissoire. Il n'y a plus dès lors d'horizon pour cette femme, jusqu'à ce qu'un jeu télévisé absurde ne lui offre, tel un miroir aux alouettes, l'idée d'une solution sinon d'une rédemption...

On retrouve, dans ces Corps solides, toute la vigueur − au sens le plus noble du terme, politique − qui faisait déjà le prix du précédent roman d'Incardona, le splendide La soustraction des possibles (Finitude, 2020). Il y a là autant de colère que de chagrin et la société s'y donne en spectacle dans ses atours les plus vulgaires. Seulement, la vraie ligne mélodique de ce livre poignant est celle de l'amour infini que se portent deux êtres, une mère et son fils, jumeaux fraternels. Et comme en plus le romancier s'y entend à merveille pour se faire le peintre des paysages incertains de nos provinces, que demande le peuple ? Du pain, des jeux et de l'amour. Rien d'autre.

Joseph Incardona
Les corps solides
Finitude
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 22 € ; 272 p.
ISBN: 9782363391667

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