Avant-critique Roman

Génération Nirvana. Victor, le narrateur, dont on n'apprendra le prénom qu'à la toute fin du roman, est un « garçon ordinaire », en effet. En 1994, il a 17 ans. Il vit dans une ville de province banale, dans une famille sans histoire de la petite bourgeoisie, celle des pavillons standard dans un lotissement. Le père, militant engagé au PS, suit et commente l'actualité, notamment la guerre au Rwanda, qui l'indigne. La mère gère les enfants, tendre mais pas étouffante. Le garçon est bon élève, sociable, bien intégré, et il s'est fait une solide bande de potes : Youri, l'écorché vif incontrôlable, qui disparaîtra de leurs vies suite à une bagarre épique, renvoyé du lycée ; Tom, le fils friqué du directeur du Mammouth (symbole de toute une époque) ; Karim, le rebeu de la cité, complexé par ses origines, en butte au racisme et à la violence de Jiben, le chef du gang des skateurs alliés aux skins fachos. Grâce à Dominique, le marginal sympa, et à ses pitbulls, nos amis les neutraliseront.

Et puis il y a la belle Alice, que Victor aimerait bien pécho, sans oser ni savoir s'y prendre. Peut-être la séduira-t-il avec ses chansons. Car sa grande passion, c'est la musique, le rock. Avec ses copains il a formé un groupe, les Fucked Up Kids. Au début, un simple loisir, et puis ça devient plus pro : il écrit des textes, compose les mélodies sur sa Fender, et ils finiront par donner un concert mémorable chez Tom, avec barbecue, beuverie, piscine, discussions toute la nuit sur leur avenir : comme dans la chanson de Patrick Bruel, où seront-ils tous dans dix ans ? À Paris, à Nantes... Le livre s'achève en queue de poisson, volontairement, le jour des résultats du bac : Victor l'aura-t-il obtenu ou pas ?

Ce troisième roman du polytalentueux Joseph d'Anvers, qui s'ouvre sur le suicide de Kurt Cobain, le 5 avril 1994 − un traumatisme violent pour toute une génération d'ados grunge, persuadés d'avoir « no future » et convaincus qu'eux non plus ne dépasseront pas l'âge fatidique de 27 ans, celui de Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin, Brian Jones...− sonne comme une série de chroniques tendres, un adieu à l'adolescence, à des 17 ans plus sérieux que ne voulait bien le dire Rimbaud.

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