Déjà on adore l'incipit. « Petit renard poursuit deux papillons. Pourquoi ? Parce qu'ils sont violets. » Mais voilà que notre renardeau tombe et s'étale sur la dune en contrebas. Assommé, il sombre dans un drôle de rêve. Du genre de ceux qui font défiler toute la vie. Retour à la tendreté de la petite enfance, au bon lait de maman, aux premiers jeux avec ses frères et sœurs et à toutes les premières fois. Quand, par exemple, il a sorti son museau du terrier, et qu'il a vu la lune ne sachant pas encore que « c'est le soleil qui dort ». La première fois aussi qu'il a humé le bois et la mousse, « les petits animaux (à manger), les gros animaux (à ne pas manger) ». Papa renard et maman renard sont là pour lui apprendre le monde. Comment, par exemple, on attrape les imprudents campagnols qui sortent la tête du sable. Et comment surtout on est récompensé par un « bruit délicieux quand ils craquent sous la mâchoire ». Bonheur intense aussi de sentir le vent retrousser ses poils ou de déchiqueter un sac poubelle pour se délecter de son contenu. Le rêve vire au cauchemar quand Petit Renard, un brin trop curieux, pousse son museau dans un bocal en verre qu'il prend pour un terrier rempli de souris et de vers de terre. Surprise ! Le stupide bocal est vide... Papa renard l'avait pourtant bien mis en garde. « Trop curieux mort curieux », lui avait-il dit. Cette histoire poétique et sensuelle tissée au fil des premières sensations d'un petit animal méritait une illustration à sa hauteur. Pari gagné ! L'image des dunes et des forêts bataves, qui mêle photo, dessin au crayon et à la gouache, signée Marije Tolman, est tout simplement merveilleuse. Fabienne Jacob