Avant-Critique Roman

John Steinbeck, "Romans" (Gallimard La Pléiade)

Milan, le 25/01/1961. John Steinbeck, écrivain americain (1902 - 1968). - Photo © Farabola/Leemage via AFP

John Steinbeck, "Romans" (Gallimard La Pléiade)

L'écrivain américain John Steinbeck, aussi célèbre que controversé dans son pays, fait son entrée dans « La Pléiade », avec ses quatre romans les plus connus.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 08.03.2023 à 14h00

Le mal-aimé. John Steinbeck (1902-1968) est l'écrivain de tous les paradoxes et de pas mal d'ambiguïtés. Quoique célèbre et riche assez tôt − Tortilla Flat, son premier succès littéraire et commercial, date de 1935, bien d'autres suivront −, et en dépit de son prix Nobel de littérature reçu en 1962, il semble toujours être moins estimé dans son pays, les États-Unis, qu'en Europe, en particulier en France. En un combat douteux (1936), Des souris et des hommes (1937), et Les raisins de la colère (1939), ce que la critique a coutume de nommer sa « trilogie du travail », traduite en français entre 1940 et 1954, a installé l'écrivain parmi les plus grands auteurs américains modernes, Hemingway, Faulkner ou encore John Dos Passos, sans doute celui dont il est le plus proche. Mais, outre-Atlantique, alors que la cote d'amour des deux premiers ne faiblit pas, l'intelligentsia a tendance à considérer les seconds comme mineurs.

Sans doute aussi pour des questions politiques. Ces trois romans, repris aujourd'hui dans « La Pléiade » et suivis par À l'est d'Éden (1952), plus ancré dans sa propre histoire familiale, obéissent à une démarche engagée de la part de Steinbeck, à une nécessité, non point exactement de témoigner (quoique, comme Jack London, il soit allé « sur le motif » et ait effectué de nombreux reportages), mais de mettre en fiction un peuple américain souffrant, celui des sans-voix − cueilleurs d'oranges au chômage à cause de la crise de 1929, fermiers obligés d'abandonner leurs terres pour s'exiler à la ville, ouvriers agricoles exploités...−, dont la littérature chic ne parle pas ou alors à sa façon. Lorsque, choquée, une partie de la critique américaine lui a reproché la « vulgarité » de ses dialogues, l'écrivain a plaidé pour la cohérence : « Pourquoi des ouvriers s'exprimeraient-ils comme des universitaires ? » Quant au supposé réalisme de ses dialogues, il faudrait aller y voir de plus près. Un écrivain n'est jamais un magnétophone. De là également sa réputation de rouge, qui a effarouché et dressé contre lui une partie de l'opinion américaine, volontiers paranoïaque, complotiste, réactionnaire et bigote, surtout en plein maccarthysme. Mais là aussi, les choses sont plus complexes. Steinbeck était un révolté, pas un révolutionnaire. Issu de la petite middle class californienne, cultivé, sûr de sa vocation dès l'âge de 16 ans et suivi par sa famille, il était également pieux (la Bible joue dans ses romans un rôle majeur), et profondément patriote : n'a-t-il pas soutenu le New Deal de Roosevelt, et même la guerre au Vietnam de Lyndon B. Johnson ? « Je n'ai jamais voulu être un écrivain populaire » écrivait-il à Jackson J. Benson, l'un de ses futurs biographes. Lequel le présente comme « l'auteur préféré que nous adorons haïr ». Ici, en France, patrie des écrivains engagés, on préfère l'aimer.

John Steinbeck
Romans
Gallimard
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 66 € ; 1 664 p.
ISBN: 9782072929786

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