De l'eau et des hommes. Ceux qui ont suivi Jean-Christophe Rufin sur les chemins de Compostelle (Immortelle randonnée, 2013, Guérin puis édition illustrée chez Gallimard) savent que l'académicien français n'est pas seulement écrivain. Il dessine et peint aussi, à l'aquarelle. Un art de « la langueur » qui prend du temps, pas comme la photographie, plus immédiate, qui s'apparente à « du vol à la tire ». Et il fallait savoir donner de son temps, se laisser prendre et lâcher prise pour aborder l'Amazone, et non point l'Amazonie, ce continent dont parlait Bernanos, l'exilé au Brésil.

Rufin, avec modestie, s'est contenté du fleuve, si l'on ose dire, lequel, depuis sa source dans les Andes péruviennes jusqu'à son delta ramifié qui se jette dans l'Atlantique, mesure tout de même plus de 6 700 kilomètres, dont plus de 3 000 navigables au Brésil. Le voyageur, en deux mois, n'en a bien sûr parcouru qu'une partie, en descendant de São Gabriel de Cachoeira, l'une des villes les plus pauvres du Brésil, dans une région à l'écart des circuits touristiques, jusqu'à Belém, le grand port industriel qui l'a déçu − un peu comme Manaus malgré sa vieille ville avec son illustre opéra.

Rufin a voyagé avec les passagers sur des ferrys énormes, dans des conditions souvent spartiates. Il a même attrapé un pré-covid à Manaus ! Il raconte, il dessine, il peint la nature et les gens, l'eau et la végétation, et achève son périple à regret, nostalgique et triste de quitter ces tropiques retrouvés.