Avant-critique Essai

Jacques Damade, illustrations Vincent Puente, "Du côté du Jardin des Plantes" (La Bibliothèque) : Curiosité du vivant

Du côté du Jardin des Plantes-Baleine - Photo © Vincent Puente/La Bibliothèque

Jacques Damade, illustrations Vincent Puente, "Du côté du Jardin des Plantes" (La Bibliothèque) : Curiosité du vivant

Jacques Damade relate comment le Jardin des plantes accueillit, sous la Révolution, les animaux de la ménagerie de Versailles.

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Par Sean Rose
Créé le 15.10.2022 à 11h00

Les grands événements historiques, guerres, conflits, révolutions, qu'elles soient politiques ou technologiques, bouleversent la vie des hommes. Si ces envahissants et bruyants locataires de la Terre qui en exploitent sans vergogne les fruits sont les victimes de leur action collective ou des agissements de certains de leurs congénères, ils oublient trop souvent qu'ils ne sont pas seuls sur cette planète. La Révolution française qui a coupé la tête au roi n'avait que faire des animaux de la ménagerie royale de Versailles. À l'instar des princes de l'Antiquité, Louis XIV surnommé le Roi-Soleil avait souhaité que fût proche de son auguste personne cette présence animale, histoire de rappeler que sa royale majesté luisait aussi bien sur les humains que sur les bêtes. À son accession au trône, Louis XVI hérite d'une ménagerie complètement délaissée par son grand-père Louis XV. Le futur décapité avait bien songé à faire transférer ces animaux exotiques à Paris, mais 1789 met un terme au projet. La plupart des occupants du zoo royal sont vendus ou mangés par les révolutionnaires. Il n'en reste que cinq, dont un rhinocéros d'Inde et un lion du Sénégal. En 1793, l'Assemblée veut établir le Muséum d'histoire naturelle au Jardin des plantes. C'est le récit de cette création que relate Jacques Damade dans Du côté du Jardin des Plantes. Dès 1792, il avait été décidé du transfert des survivants de la ménagerie du roi au Jardin des plantes. On informe l'intendant du Jardin, Bernardin de Saint-Pierre, fameux auteur de Paul et Virginie, de la translation de ces animaux sous forme... naturalisée, à savoir empaillés. Pourquoi tuer ces bêtes ? s'en émeut l'intendant, vite taxé de sensiblerie. « Si on se penche sur cette sensibilité, analyse Jacques Damade : à la baisse on dira qu'on évacue vite le frère humain avec un gentil animal ou un épanchement sur la nature, que Robespierre lisait Études sur la nature durant la Terreur, mieux, qu'Hitler végétarien aimait Blondie, sa chienne, à la hausse qu'il y a un continuum du vivant et qu'on est relié. »

Du côté du Jardin des plantes, à l'érudition fluide, est en outre agrémenté d'illustrations à la cocasserie surréaliste signées Vincent Puente. À travers ce qui apparaît comme la lorgnette de l'anecdote, l'auteur d'Abattoirs de Chicago (La Bibliothèque, 2016) nous invite à dézoomer sur un tableau beaucoup plus large - le panorama historique d'une époque comme une vision dont la profondeur de champ touche à des questions existentielles : notre place et responsabilité d'Homo sapiens sapiens dans et vis-à-vis de la nature. Environnement qui ne nous environne pas tant qu'il nous intègre dans un monde commun et solidaire.

Jacques Damade
Du côté du Jardin des Plantes Illustrations Vincent Puente
La Bibliothèque
Tirage: 100 ex.
Prix: 14 € ; 134 p.
ISBN: 9791093098623

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