Emma Auster. Lorsqu'elle lit ce nom sur la pancarte tenue par un chauffeur, Elisabeth décide sur un coup de tête de se faire passer pour cette femme qu'elle ne connaît pas. Son fiancé n'est pas venu l'attendre à l'aéroport, alors qu'a-t-elle à perdre ? Au bout d'une route sinueuse, le chauffeur la dépose dans le village de Lepokoa, « le Col où passent les oiseaux ». On lui apprend qu'Emma aime les photographier ; Elisabeth, elle, a toujours rêvé d'être photographe... La « mascarade » qui devait l'occuper une soirée la grise, jusqu'au point de non-retour. « Je compris soudain qu'une partie de moi n'avait fait qu'attendre cette incroyable opportunité : disparaître. » Disparaître pour se réinventer. Pour enfin ne plus être transparente, comme cette enfant qui, sur les films en Super 8 tournés par ses parents, « [s'effaçait] littéralement dans le paysage. »« Après tout, quitter le tourbillon parisien, fuir la pression d'un mariage toujours remis à plus tard, pour "attendre et voir" n'était peut-être pas une si mauvaise idée. » Isabelle Carré excelle à se glisser dans la peau de personnages de papier comme de cinéma. Après Les rêveurs (Grasset, 2018) et Du côté des Indiens (Grasset, 2020), elle dessine le portrait tout en nuances d'une femme semblable à tant qui, un jour, saisit sa chance de devenir une autre. Le jeu de miroirs qui en découle s'amuse de nos fantasmes, de nos désirs inassouvis, tout en questionnant la capacité de chacun à réinventer sa vie.