On n’est pas à Dallas, mais bien dans un univers impitoyable. Aux confins du Texas, Tyler Cross intercepte 17 kilos d’héroïne pure destinés à la Mafia. Mais le braquage tourne mal. Laissant neuf morts, dont sa propre coéquipière, près du Rio Bravo, à la frontière mexicaine, le gangster solitaire au sang très froid n’a d’autre issue que de partir à pied dans le désert, sa sulfureuse cargaison sur le dos. Direction Black Rock, un bourg perdu qu’un Goscinny aurait certainement, dans un album de Lucky Luke, marqué d’une pancarte à tête de mort : « Etranger, passe ton chemin. »
Car dans cette Amérique profonde des années 1950, à peine sortie des limbes de la conquête de l’Ouest, la démocratie et la justice ont des limites. A Black Rock, elles ne s’incarnent qu’en une seule personne. Tyranneau de province, Spencer Pragg contrôle les mines, le pétrole et les commerces de la ville, aidé de ses trois fils opportunément placés : William est maire, Lionel dirige la banque et Randy, le plus pervers, porte l’étoile de shérif. Seul le garagiste, Joe Bidwell, fait de la résistance. Mais sa fille s’apprête malgré lui à épouser William Pragg. Autant dire que, malgré tous ses efforts pour passer inaperçu, Tyler Cross aura bien du mal à s’extirper de ce nid de vipères avec sa précieuse cargaison.
Le duo, recomposé par Fabien Nury, connu pour les scénarios efficaces de Je suis légion (Humanoïdes associés), WEST (Dargaud) ou plus encore Il était une fois en France (Glénat), et Brüno, s’était déjà fait remarquer avec Atar Gull (Dargaud, 2011). Il navigue cette fois entre western et polar américain pour en livrer une forme de quintessence, magnifiée par le dessin épuré de Brüno, ici à son meilleur et souligné par un travail très fin sur les couleurs. Fabrice Piault
