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Il était une fois la Louisiane

Pierre Pelot - Photo David Ignaszewski/Héloïse d’Ormesson

Il était une fois la Louisiane

Où l’on retrouve la descendante de l’héroïne de L’ombre des voyageuses de Pierre Pelot sur les rives du Mississippi et sur fond de guerre d’indépendance américaine.

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Par Sean James Rose
avec Créé le 29.09.2017 à 16h31

"Ils m’ont appelée la Rouge Bête. Ce n’était pas méchantement." Ainsi débutaient les Mémoires de sa grand-mère à "la tignasse fauvaine". Emeline, tout aussi rousse, avait découvert le journal au grand dam de Hiawana, la gouvernante noire et mère de substitution de la fillette. Pas de l’âge d’Emeline !, la gourmandait "la plus belle des négresses" et ancienne intime de l’aïeule. Dans L’ombre des voyageuses de Pierre Pelot (Héloïse d’Ormesson, 2006, repris en "Pocket"), nous étions en Louisiane sous l’Ancien Régime. Le carnet de bord de la Rouge Bête nous faisait revivre son extraordinaire aventure de petite chevrière des Vosges ayant embarqué pour le Nouveau Monde, devenue tour à tour flibustière, combattante auprès des Indiens, et à jamais rebelle.

Avec son nouveau roman, Debout dans le tonnerre, Pierre Pelot nous transporte derechef sur les rives du Mississippi dans une plantation de canne à sucre de Louisiane, propriété de M. Forestier, père adoptif d’Emeline, et ancien amant de la Rouge Bête. Et le manuscrit d’Esdeline de mettre encore une fois le feu aux poudres d’une incandescente fiction : une histoire d’aventures et d’amour aux volutes rococo. Pierre Pelot, grand orfèvre des mots, n’a pas boudé son plaisir et a reforgé une langue archaïsante, pastichant celle du XVIIIe siècle finissant ("souventes fois", "icitte", "adoncques"), puisant dans toute la richesse du lexique les gemmes les plus précieuses afin de restituer un paysage des bayous à couper le souffle. Il décrit cette végétation luxuriante dont un bras d’eau magnifie les proportions, "découpant dans le toit de la forêt une vaste surface déchiquetée d’où se jetait le ciel lumineux sur la glaucescence coruscante des eaux".

Emeline se rend compte qu’on lui a volé le journal de sa grand-mère. Le coupable n’est autre que Vicente de Ruz, fils de la señora Ortega de la Torre y Forestier, la veuve que Johan Forestier a épousée et dont il accapare les terres. "Le jeune caballero" (ce coin d’Amérique est aussi sous influence culturelle hispanique) voulait en savoir plus sur les origines de sa fausse sœur et aussi sur la fortune de Forestier. Quand Emeline retrouve Vicente dans la forêt, l’amour le dispute à la haine, les deux jeunes gens sont attirés l’un envers l’autre depuis longtemps, mais Eros plus qu’il ne résout les choses parfois les complique. Pour compléter cette fresque en chromo animé, outre la fidèle Hiawana, les deux filles de la señora, les méchantes sœurs du conte de fées, on plonge dans le vertige des troubles de la guerre d’indépendance américaine. S. J. R.

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