Conteur éclectique. Ne nous fions pas à ses allures de jeune homme discret, bien élevé, premier de la classe, même s'il est aussi tout cela. Guillaume de Sardes est un des esprits les plus singuliers de notre temps, un touche-à-tout de haut niveau qui assume et revendique son « éclectisme culturel ». Ou mieux : « Je m'étonne au contraire de l'hyperspécialisation contemporaine, du cloisonnement universitaire. Je préfère l'exemple d'un Jean Clair, à qui je ne me compare évidemment pas ! », explique-t-il. Lorsqu'on regarde son parcours, on est frappé par sa richesse et sa diversité : romans, essais, organisation et catalogues d'exposition, traductions, photographie, films... Mais tout cela fait sens, obéit à une logique interne, et fonctionne en fait par cycles parallèles. « Ainsi, avec Pasolini, explique Guillaume de Sardes, se clôt une trilogie qui rassemble Jean Genet, écrivain auteur d'un seul court métrage, à qui j'ai consacré un essai, un livre de photos et une exposition ; Fassbinder, cinéaste auteur d'un seul livre, à qui j'ai consacré un essai ; et Pasolini, donc, aussi grand cinéaste qu'écrivain. »

À qui il consacre aujourd'hui une exposition au Nouveau Musée national de Monaco, « un musée de réputation internationale, avec 10 000 pièces dans ses collections, un mélange, toutes proportions gardées, de musée d'Orsay et du Centre Pompidou ». Guillaume de Sardes y est chargé du département développement depuis deux ans. L'exposition est accompagnée d'un catalogue, Pasolini en clair-obscur, qui doit se lire comme un essai sur l'auteur des Ragazzi et de Théorème. À noter que de Sardes, qui ne fait décidément rien comme tout le monde, a calé son exposition « entre deux anniversaires » : le centenaire de la naissance de Pasolini, en 1922, et le cinquantenaire de sa mort, en 1975, quand il fut assassiné sur une plage d'Ostie : « Je voulais être à contretemps, pour rompre avec l'actuelle tendance des expositions vers le spectaculaire, l'événementiel. » Pour Pasolini, Guillaume de Sardes avoue « une passion ancienne ». Il l'a d'abord découvert grâce au cinéma. « Ado, j'avais éprouvé mes premiers émois en voyant Le Décaméron, son plus grand succès, onze millions de spectateurs. Plus tard, j'ai vu Salò ou les 120 journées de Sodome, son dernier film, inachevé, un film peu aimable qui déborde le cadre du cinéma. Un parti pris artistique radical et provocateur. » Ensuite, il a lu sa poésie, toujours très populaire en Italie et étudiée dans les écoles - pas tout, on suppose... L'idée de l'exposition est double : montrer l'influence de l'art classique sur Pasolini, et la sienne sur les artistes les plus contemporains.

Entre deux expositions, Guillaume de Sardes, dont tout le travail tourne autour du rapport texte/image, à la façon d'un Allen Ginsberg (« mon idole »), glisse de temps en temps un roman, voire une autofiction comme Le dédain (Grasset, 2012) et sa suite L'exposition (Louison éditions, 2022). Il vient de commencer « le dernier de la trilogie. Ou pas. » Mais il ignore quand il l'aura achevé et chez qui il le publiera. « Je suis lent », dit-il. On peine à le croire.