Grégoire Delacourt a 61 ans. Ce n'est pas forcément, si on l'en croit, le plus bel âge de la vie : il remarque et note, jusqu'à l'obsession, les altérations de son corps. Ce corps qui l'a fait souffrir toute sa vie. Mais cet âge, lorsqu'on est un écrivain connu, auteur d'un best-seller culte (La liste de mes envies, son deuxième roman, JC Lattès, 2012), peut être aussi celui de l'absolue liberté de se confier, si douloureux soit l'exercice, poussé par une urgente nécessité. C'est sitôt achevé Mon père (JC Lattès, 2019) que Delacourt s'est lancé dans la rédaction de ce texte, qui s'appelait alors Son fils.

Une quête désespérée d'un homme absent, père exécrable, mort en 2014, avec qui la paix ne s'est jamais faite. Lorsqu'il avait cinq ans, et que sa mère était à l'hôpital pour accoucher de sa sœur, le petit Grégoire a été violé par son géniteur. S'en est suivie une enfance atroce, fracassée, avec un gamin qui à dix ans choisit lui-même la pension, s'automutile, tente de se suicider... Et ce sentiment affreux de n'avoir jamais été aimé. Ensuite, lorsqu'il sera devenu écrivain, il glissera dans chacun de ses romans, même les plus positifs en apparence, des épisodes, des personnages, des allusions pris dans sa propre histoire. Il tentera à son tour de construire une famille, mais elle explosera aussi.

Rarement un écrivain aura été si loin dans la confession,- l'autofiction si l'on veut. Ce petit livre, qui ne se lit pas sans malaise, nous incite à reconsidérer toute l'œuvre de Delacourt, sous un jour bien plus cru, plus noir.