Avez-vous déjà réussi à vous connecter sur le site Geoportail ? Moi pas. Lancé, fin juin, à grand renfort de communication tous azimuts (on imagine la facture envoyée par les attachés de presse), ce site conçu par l’IGN (Institut Géographique National) était supposé nous montrer la France vue d’en haut, avec une précision inégalée. Ah, on allait voir ce qu’on allait voir — sous-entendu : Google Earth, à côté, c’est du pipi de chat. Pour l’heure, en ce qui me concerne, je n’ai rien vu : j’ai beau disposer d’un ordinateur récent, d’une connexion haut-débit, et avoir essayé à de multiples reprises, de jour comme de nuit, de me brancher sur le site, je n’ai jamais pu dépasser la page d’accueil. Et si l’on en croit ce qui se lit ici et là sur le Net spécialisé dans les niou-technologies (chez SVM, par exemple), je n’ai de toute façon rien perdu, tellement le résultat se révèle indigent. Faut-il rire ou pleurer de ce naufrage pathétique ? La presse, qui s’était fait complaisamment l’écho du lancement du site, s’est bien gardée, depuis, d’évoquer un fiasco qui illustre, jusqu’à la caricature, ce que nos amis étrangers nous reprochent souvent à nous Français : un mélange rare d’arrogance et d’incompétence. Et pendant ce temps-là, Google Earth (qui ne s’arrête pas seulement aux frontières de l’Hexagone, mais couvre, comme son nom l’indique, toute la planète…) fonctionne au quart de poil, et n’en finit pas de séduire de nouveaux internautes à travers le monde. Ce qui se passe avec la géographie aurait-il des raisons de ne pas se reproduire avec les livres ? Hélas, on a bien peur que non. Pendant que le projet de bibliothèque européenne numérique reste toujours dans les limbes, Google Books avance patiemment et sûrement ses pions. Dernière nouveauté en date, et non des moindres : le 9 août, l’Université de Californie, qui rassemble à elle seule dix campus (dont le fameux Berkeley), une centaine de bibliothèques et un fonds global de 34 millions de volumes, annonçait qu’elle se ralliait à son tour au projet. Le communiqué rendu public par la présidence de l’Université pour justifier sa décision illustre, une fois de plus, le pragmatisme des Américains : outre que la numérisation des fonds va permettre « une formidable accélération » de l’accès au savoir, elle apparaît désormais comme un devoir ressortant de la mission de conservation des bibliothèques. Les dirigeants de l’Université de Californie ont été très frappés par le malheur « arrivé l’année dernière à nos collègues de Louisiane et du Mississippi », suite au passage meurtrier du cyclone Katrina (des bibliothèques entières ont été ravagées en 24 heures). Si la Californie n’a jamais connu de cyclones, ses dirigeants rappellent qu’elle est située sur une zone géographique sensible aux tremblements de terre, et qu’enfin, « une grande partie de nos fonds est imprimée sur du papier acide qui résiste très mal au temps ». Argumentation imparable et pleine de bon sens. Ce nouveau succès pour Google Books contribue à l’installer un peu plus dans le paysage. On n’ose encore dire qu’il devient incontournable, mais nous n’en sommes pas loin. C’est évidemment très chagrinant pour tous ceux que révulse « l’impérialisme yankee ». Mais la pratique quotidienne du réseau rend les internautes très exigeants sur la qualité et la rapidité des services offerts. Entre un site « qui marche » et offre du contenu et un autre qui ne marche pas, le verdict est sans appel. Geoportail finira bien un jour par fonctionner, mais la bataille de crédibilité par rapport à Google Earth est irrémédiablement perdue. Leçon à méditer.
15.10 2013

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